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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

plus de finesse et d’esprit le langage de ces prospectus innombrables dont le charlatanisme et le génie de la spéculation inondent le public ?

Une autre fois, après avoir terminé sa pièce à lui, il se souvient qu’il était venu pour en voir une autre et que vous lui en demanderez compte. Voici ce qu’il accorde à votre curiosité : « Au reste, je n’ai pas vu la pièce. » Je ne connaîtrais pas de compte rendu d’une mauvaise pièce plus laconique, et en même temps plus satisfaisant que celui-là, si l’auteur ne nous avait encore donné cet autre. Après le titre de la pièce viennent quatre ou cinq lignes de points ; voilà tout. Puis, sa tâche ainsi accomplie, l’auteur fait un retour sur lui-même, et, répondant à des reproches qu’on lui a adressés, il s’écrie : « Et l’on dira que je suis hostile à M. Scribe ! »

Vous venez de voir la parodie du prospectus ; voulez-vous une autre façon de parodie ? « Le théâtre du Cirque-Olympique ne pouvait se consoler d’avoir usé si vite l’Empereur Napoléon. Dans sa douleur, il se trouvait malheureux d’avoir tant de chevaux et de si beaux uniformes, etc. »

Voulez-vous maintenant un petit tableau tracé de main de maître. C’est l’Opéra qui va nous en fournir le sujet. M. Janin vient de parler de la danse de Mlle Taglioni. « Nul effort, nulle gêne. Tout cela lui vient comme le chant vient à l’oiseau. Si elle s’arrête enfin, si elle descend de ce troisième ciel où elle est si bien, c’est pour ne pas nous fatiguer. » Voici le contraste. « Deux jours après, à la même place, je me trompe, sous la même place, on me montre un danseur qui débutait. C’était en effet un vrai danseur en chair et en os. Dansait-il bien ou mal, était-il lourd ou léger, laid ou beau, gros ou mince, jeune ou vieux ? Je n’en sais rien. Je sais seulement que c’était un danseur. Il avait le corps d’un danseur, les cuisses d’un danseur, les jambes d’un danseur, les bras d’un danseur. Il dansait comme un danseur, il souriait comme un danseur. C’était tout-à-fait, entièrement, complètement, c’était absolument un danseur. Aussi l’ai-je trouvé le mieux du monde, plein d’avenir, et je ne lui ai trouvé que ce léger défaut ; c’est d’être un danseur. »

Un jour il commence ainsi une histoire : « Voici une histoire que je tiens pour vraie, quoiqu’elle m’ait été contée par un témoin oculaire. » Ces traits de satire si brusques, si pleins de sens en