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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

riodique. C’était là, en effet, le terrain que M. Janin devait choisir comme le plus propre au développement de sa nature. Il est né et il a grandi dans la presse périodique. Il lui doit la fortune de son nom, et il lui a bien rendu ce qu’elle lui a donné. La presse, pour fonder ou rétablir sa propre fortune, a souvent tiré à vue sur ce nom qu’elle avait fait.

Elle lui fut d’abord assez dure. Son entrée dans une carrière où de si heureux succès l’attendaient ne présageait guère les belles chances qui lui étaient réservées. Né en 1804, l’année où commence le siècle, comme il le dit, à Ampuy, sur les bords du Rhône, il vint à Paris à l’âge de quinze ans, pour terminer ses études au collége Louis-le-Grand. Là, nouveau venu, il trouva tout installées sur les bancs des supériorités qui depuis se sont éclipsées devant la sienne ; et il ne put parvenir à se faire remarquer que par cette sorte d’intempérance d’imagination dont il lui est resté quelque chose. C’était dès le collége ce même esprit abondant, curieux, superficiel, plein d’abandon et d’inégalités, inconstant, soudain, téméraire, et toujours en haleine. Un jour, il emprunta Montesquieu à un de ses camarades. Le soir il l’avait lu, et il le lui rendit en lui disant : — C’est beau ! — C’est là ce qu’il fit au collége. N’est-ce pas un peu là aussi ce qu’il a fait depuis dans le monde ?

Ceux qui ont lu son autobiographie dans le premier volume des Contes nouveaux savent qu’au sortir de ce collége il alla, lui et une vieille tante, qui, à son départ de la maison paternelle, s’était enfuie pour n’avoir pas à supporter ses adieux, et qui venait maintenant partager avec lui ses derniers jours et ses derniers écus, se loger dans la rue du Dragon, où, après bien des recherches, ils avaient trouvé « un nid assez misérable pour leur pauvreté. » Il y donna à tous venans des leçons de latin, de grec, et peut-être d’autre chose encore. Il y enseigna ce qu’il savait et ce qu’il ne savait pas, plus de ceci que de cela, et il y apprit plus encore qu’il n’enseigna. C’est dans ce nid et dans cette occupation que s’étaient écoulées joyeusement ses deux ou trois premières années de jeunesse et d’indépendance. La rencontre qu’il fit un soir à la porte du théâtre Feydeau d’une actrice au bras d’un journaliste, le rendit journaliste lui-même.

C’est ainsi que l’inventeur du feuilleton moderne et du style de