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LITTÉRATURE CATHOLIQUE.

premières joies si courtes et qu’on sent qui vont s’évanouir : « Ainsi Dieu, dit l’auteur, donne à sa créature cette rosée matinale, pour qu’elle sache résister ensuite au poids et à la chaleur du jour. » — « Élisabeth, raconte-t-il plus tard en un endroit, aimait à porter elle-même aux pauvres, à la dérobée, non-seulement l’argent, mais encore les vivres et les autres objets qu’elle leur destinait. Elle cheminait, ainsi chargée, par les sentiers escarpés et détournés qui conduisaient de son château à la ville et aux chaumières des vallées voisines. Un jour qu’elle descendait, accompagnée d’une de ses suivantes favorites, par un petit sentier très rude que l’on montre encore, portant dans les pans de son manteau du pain, de la viande, des œufs et d’autres mets pour les distribuer aux pauvres, elle se trouva tout à coup en face de son mari qui revenait de la chasse. Étonné de la voir ainsi ployant sous le poids de son fardeau, il lui dit : « Voyons ce que vous portez ; » et en même temps ouvrit, malgré elle, le manteau qu’elle serrait, tout effrayée, contre sa poitrine ; mais il n’y avait plus que des roses blanches et rouges, les plus belles qu’il eût vues de sa vie ; cela le surprit d’autant plus que ce n’était plus la saison des fleurs. Voyant le trouble d’Élisabeth, il voulut la rassurer par ses caresses, mais s’arrêta tout à coup en voyant apparaître sur sa tête une image lumineuse en forme de crucifix. Il lui dit alors de continuer son chemin sans s’inquiéter de lui, et remonta lui-même à la Wartbourg, en méditant avec recueillement sur ce que Dieu faisait d’elle, et emportant avec lui une de ces roses merveilleuses qu’il garda toute sa vie. » Ce miracle des roses rend avec suavité le parfum que l’ensemble du livre exhale.

L’auteur d’ordinaire termine ses chapitres par quelque invocation élevée, quelque réflexion affectueuse, sur le don des larmes qu’on avait en ces temps, et qui semble de jour en jour tarir, sur les mariages chrétiens à la fois si passionnés et si chastes, et dont celui d’Élisabeth et du landgrave est comme un type accompli ; sur ce que le souvenir de Luther, au château même de la Wartbourg, a détrôné celui de l’humble Élisabeth, dont le nom toutefois est resté à une fleur des champs. Ces fins de chapitres sont charmantes d’accent et comme harmonieuses, relevées d’une poésie toujours née du cœur.

Pourtant, en avançant dans la vie, même dans une vie qui doit