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leur traitement. Ce traitement a été porté de 12 à 1800 francs. C’est beaucoup pour la ville, c’est trop peu pour le maître et sa famille ; tandis que le maître de l’école privée gagne bien davantage, et voit son revenu s’accroître avec son habileté et son activité. On pourrait à moins de frais faire plus de bien encore par un système d’écoles publiques mieux appropriées aux divers besoins de la population. Nous avons assez d’écoles communales gratuites ; car plusieurs, malgré le talent des maîtres, ont un petit nombre d’élèves. Or, sans vouloir 1,000 enfans dans chaque école de pauvres, il en faut bien à peu près 300 ; et quelques écoles de ce genre peuvent suffire à chaque arrondissement, si on n’admet dans ces écoles que ceux qui doivent y entrer, c’est-à-dire les véritables pauvres dont la liste est à peu près complète dans les bureaux de bienfaisance. Et ici, sans engager l’opinion d’autrui, qu’il me soit permis d’exprimer toute ma pensée. À Dieu ne plaise que jamais je puisse songer à exclure personne de l’éducation populaire ! Loin de là, je ne cesserai d’appeler à cette noble tâche tous les gens de bien, tous les hommes éclairés, sans aucune acception ni de cultes ni de méthodes ; mais, je l’avoue à mes risques et périls, c’est surtout aux frères de la doctrine chrétienne qu’il me paraîtrait convenable de confier les écoles communales absolument gratuites, comme c’est surtout aux sœurs de la charité que nous confions le soin des malades dans les hospices. D’abord c’est au service du peuple que les statuts des frères les consacrent. Ensuite, par un retour bien naturel, le peuple les aime. Le peuple est fier, il ne veut pas qu’on le méprise, et, avec les meilleures intentions du monde, on peut avoir l’air de le mépriser, pour peu qu’on ait des façons trop élégantes. Les frères ne nous méprisent pas, dit le peuple. La tournure un peu lourde et commune de ces bons frères qui les expose à quelques railleries ; leur humilité, leur patience, surtout leur pauvreté et leur absolu désintéressement, car ils ne possèdent rien en propre, les rapprochent et les font bien venir du peuple au milieu duquel ils vivent. Le peuple et l’enfance demandent une patience sans bornes. Qui n’est pas doué d’une telle patience, ne doit pas songer à être maître d’école. Enfin, par leurs statuts, les frères enseignent gratuitement : il leur est interdit de rien demander aux enfans, et ils se contentent de très peu de chose pour eux-mêmes et pour leurs