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publiques prodiguées aux giaours, la boue que les femmes et les enfans turcs leur jettent au visage, les coups de bâton dont on les assomme par récréation, les habits qu’on leur coupe sur le dos quand on les trouve d’une couleur trop gaie ? Croire que les Turcs deviendront plus humains, qu’ils sentiront qu’il est de leur intérêt de mieux traiter leurs esclaves, c’est méconnaître le caractère mahométan. Une barrière infranchissable nous sépare de l’islamisme. L’affaire Churchill aurait dû dessiller bien des yeux.

Y pense-t-on sérieusement ? Civiliser les Turcs, au point qu’une fusion quelconque puisse s’opérer entre eux et les populations chrétiennes ; espérer que ces deux élémens hétérogènes se combineront dans un ensemble compact ; qu’on pourra organiser une société, un état si vous voulez, chez un peuple qui, depuis plus de trois cents ans, n’a fait que dominer, et qui n’a pu introduire dans son sein l’ombre d’une administration publique, chez lequel le despotisme le plus atroce s’accouple à l’anarchie la plus absolue, où les révoltes de sérail, les révoltes des troupes, les révoltes des satrapes, les révoltes des provinces, éclatent, passent, renaissent et se succèdent sans interruption ! Non, jamais les peuples intelligens et vivaces que le souffle du christianisme anime, ne se confondront avec leurs oppresseurs imbécilles. Ceux-ci sont condamnés par la fatalité à laquelle ils croient, ou à disparaître de la face du globe comme les Indiens de l’Amérique, ou à rester immobiles et pétrifiés, là où ils sont, étrangers à toute idée de vraie civilisation.

Rien au monde ne fera croire à un mahométan qu’un chrétien est son égal devant Dieu, encore moins devant la loi. Prenez le mahométan le plus façonné, le plus maniable, parlant, si vous voulez, toutes les langues de l’Europe ; faites-lui lire un livre quelconque ; vous ne l’entendrez jamais s’écrier : « Voilà une idée que je n’avais pas ! je suis bien aise de l’avoir ! » Montrez-lui les meilleures lois du monde, les plus belles institutions européennes ; vous ne l’entendrez jamais dire : « C’est excellent, je voudrais que cette loi nous régît ! » Si vous parlez de guerre, il vous comprendra quelque peu ; hors de là, il n’entendra plus rien, il bâillera et détournera la tête. Les jeunes Turcs qui sont restés à Paris pendant plusieurs années, quels élémens de civilisation ont-ils rapportés en Turquie ? Quelques notions d’algèbre et de trigonométrie, le souvenir des parades et des revues des troupes françaises. Ajou-