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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

puis cent ans, et qui pèsent sur lui aujourd’hui plus que jamais ?

Comment sortir de là ? C’est la question d’Orient, dira-t-on. Sans doute. On va toucher aux priviléges des sultans ! Quoi ! ce gouvernement caduc inspirera tant de pitié ! On verse des larmes sur ses maux ! On s’indigne contre la Russie qui a eu le tort d’ébranler cette puissance barbare ! On blâme la Russie qui veut partager le peu de civilisation qu’elle a avec ceux qui en sont absolument dépourvus, et qu’elle veut rattacher à elle par les liens étroits de l’homogénéité ! À quel titre espère-t-on fermer à la Russie l’accès auprès de ses frères chrétiens, et bannir son influence sur les enfans de la croix ? Sera-ce au nom du salut du croissant, de sa splendeur éclipsée ?

Mais, nous dit-on, la Porte peut revivre ; de bons médecins peuvent la sauver ? Vous oubliez que l’on meurt de vieillesse comme de maladie. Le corps musulman est décrépit et non malade. Il a fait son temps comme toutes les hordes barbares qui ont infesté l’Europe ; sa destinée a été celle de la foudre ; elle éclate, brise, renverse, mais elle s’éteint. Nulle puissance ne réchauffera le dernier souffle de la Porte moribonde. En vain veut-on voir un édifice là où il n’y a que des décombres ; en vain se révolte-t-on contre le vent qui soulève la poussière des morts !

Vouloir civiliser la Turquie, la transformer en puissance forte et indépendante, organiser dans son sein un corps social, c’est ignorer l’état de cette vaste contrée, occupée d’un bout à l’autre par des populations chrétiennes asservies au joug honteux de quelques fanatiques campés parmi des millions de chrétiens auxquels ils ne laissent que juste assez de force pour traîner leur misérable existence. Ce petit nombre de maîtres fainéans et désœuvrés vivent de la substance des esclaves que leur religion leur prescrit de considérer comme inférieurs aux bêtes[1]. Rappellerons-nous ici les massacres systématiques des chrétiens, l’enlèvement des femmes et des enfans, la dévastation organisée comme moyen de gouvernement, les impôts atteignant jusqu’aux impubères, les confiscations en masse et sans jugement, l’absence de toute justice, de toute loi, de toute administration, les avanies

  1. Nous avons entendu dire sérieusement à des Turcs, que la meilleure charité que l’on puisse faire, c’est de distribuer du pain à des chiens affamés, et qu’à défaut de ceux-ci, on peut aussi en donner aux giaours.