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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

Dans la petite Valachie seulement, un certain Théodore-Vlademiresko parvint à enrôler sous son drapeau de pauvres paysans auxquels on avait fait croire qu’ils ne paieraient plus d’impôts : mot d’ordre de toutes les révolutions. Le chef de ces pauvres diables fit une entrée solennelle à Bucharest, y commanda quelques instans, puis se retira dans un monastère, en dehors de la ville, qui lui servait de château-fort, où il fit mine de se défendre. La nouvelle de l’arrivée des Turcs s’annonce à peine, qu’il prend la fuite ; Ypsilanti le fait saisir ; il disparaît on ne sait comment. Pendant ce drame énigmatique, temps de confusion et d’anarchie, tout ce qu’il y eut de plus clair, ce fut un vaste système de pillage exploité par les héros d’une si étrange expédition. À pied, à cheval, en voiture, les citoyens prennent la fuite et dépassent les frontières. Les Turcs ne rencontrent d’autre résistance que celle que leur oppose, sur un point de la petite Valachie, le bataillon sacré d’Ypsilanti ; brave légion digne d’un meilleur sort, toute composée de Grecs, les seuls qui fussent restés étrangers aux excès de l’insurrection. Leur héroïque dévouement fut inutile ; tous, jusqu’au dernier, périrent sur le champ de bataille.

Aussitôt les Ottomans veulent voir des insurgés dans tous les habitans. Malgré les ordres formels du sultan qui défendent de frapper un homme désarmé, le pays est en proie à toutes les atrocités qui forment le cortége nécessaire du Turc, et auxquelles les infortunés chrétiens d’au-delà du Danube sont depuis long-temps accoutumés : enfans enlevés, femmes jetées à l’eau avec une pierre au cou, d’autres ensevelies par dizaines dans les fosses communes ; hommes tués, en passant, d’un coup de sabre ou de pistolet, voilà les exemples donnés par les conquérans nouveaux. Enfin ils se retirent sans consulter la Russie avec laquelle on se trouvait en mésintelligence depuis la retraite de son ministre à Constantinople, le comte Strogonoff. Le sultan, cédant au conseil de l’Autriche, nomme deux princes indigènes, dans la personne de Grégoire Ghika pour la Valachie, et de Jean Stourza pour la Moldavie[1] ; car une de ces Saint-Barthélemy, si fréquentes en Turquie, venait d’exterminer la puissance fanariote.

Enfin, pour la première fois depuis cent ans, le pays rentrait en

  1. Il ne faut pas les confondre avec les deux princes qui règnent aujourd’hui.