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ce délai ; — que les Turcs n’auront pas le droit d’emmener un ou plusieurs domestiques natifs de Valachie, de quelque sexe que ce soit ; enfin que nulle mosquée turque ne sera construite dans aucune partie du territoire ; — que la Porte ne délivrera aucun firman relatif aux affaires personnelles d’un sujet valaque, et ne s’arrogera jamais le droit, sous aucun prétexte, d’appeler à Constantinople, ou dans toute autre partie des possessions turques, un sujet valaque. »

Tout humiliant qu’il fût, ce traité n’était pas accablant. En voulant mettre un frein aux attaques continuelles des Valaques, le sultan avait laissé à ces derniers un débris d’indépendance qui se mêlait bizarrement à une soumission nominale. Situation trop équivoque pour durer ; il était impossible que les Turcs n’essayassent pas d’aggraver, et les Valaques de secouer le joug. En 1544, les Turcs commencèrent l’agression, et construisirent sur le bord du Danube les forteresses d’Ibrail, de Giurgevo et de Tourno. Bientôt ces trois places devinrent des repaires de brigands qui portaient le massacre et la terreur dans les campagnes, emmenaient les troupeaux, et s’emparaient des femmes et des enfans. L’exaspération des Valaques eut bientôt recours aux armes. En 1593, le vaïvode Michel, s’alliant avec Sigismond, prince de Transylvanie, et le vaïvode de Moldavie, tributaire des Turcs, transmit à la Porte une longue liste de leurs griefs. Elle ne leur répondit qu’en leur envoyant un corps de trois mille janissaires, qui furent cernés et passés tous au fil de l’épée. Michel, à la tête des troupes alliées, marche sur Giurgevo, force la garnison à l’évacuer, et la rejette au-delà du Danube. Devant l’attitude menaçante des trois princes alliés, Amurath recula. Son successeur, Mahomet III, leur opposa soixante mille hommes, commandés par son visir, et fut battu. Tant de faits restèrent gravés dans le souvenir des Turcs. Michel est encore pour eux un nom frappé d’anathème, livré aux imprécations publiques. Après cinq années de combats acharnés, il fallut que le sultan renonçât à la domination de la Valachie. Mais elle devait payer bien cher un jour son héroïque résistance. Michel périt assassiné ; avec lui s’écroule l’édifice de l’indépendance nationale que ses mains audacieuses avaient construit. Tout se désorganise. Les Turcs repassent le Danube. Le sultan désigne le vaïvode de son choix et le fait élire : le pays rede-