Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
REVUE DES DEUX MONDES.

la droite modérée ou le parti social, entraîne après lui un bataillon de trois députés, MM. Cuny, Deshermeaux, Durosier. Sa parole, imprégnée de poésie, sa politique généreuse, mais parfois trop vague, n’a pu en réunir un plus grand nombre.

L’extrême gauche peut être divisée en trois sections. La première se compose de 14 députés :

MM. Arago, Bousquet, Bureau de Pusy, Chappuis-Montlaville, Ducluzeau, Dupont de l’Eure, Glais-Bizoin, George Lafayette, Grammont, Junyen, Laffitte, Larabit, Mathieu, Salverte.

La deuxième, de 4 :

MM. Audry de Puyraveau, Cordier, Cormenin, Garnier-Pagès.

L’extrême gauche compte des hommes de talent et des hommes respectables par leur caractère, par leur rigoureuse probité, par la bonne foi de leurs opinions ; mais ils sont tristes, las, découragés : ils ne voient, presque toujours, que le mauvais côté des choses ; ils ne cherchent que l’objection, et cependant ils ont, plus d’une fois, rendu des services réels ; ils ont découvert plus d’une erreur politique, plus d’un abus ; ils ont jeté, de temps à autre, de vives lumières sur différentes questions.

La première section a pour organes le National ; la seconde, le Bon Sens. Celle-ci est plus ardente que la première. Souvent des passions violentes l’agitent, et elle ne dissimule point ses idées de renversement.

La troisième section se compose de M. Mauguin, qui a planté son drapeau au Journal du Commerce. Il forme à lui seul tout son parti. Il discute, il agit, il vote sans se rallier à personne, et sans rallier personne à lui. Il court d’une question à l’autre, du tableau de l’administration intérieure à la politique extérieure, trouvant partout des points de contradiction, et aiguisant avec habileté l’épigramme et l’argument. Mais si vous vous abandonnez à lui, vous ne savez où il vous mènera. Il est comme ces soldats hardis, mais indisciplinés, qui, dédaignant de combattre avec le corps auquel ils appartiennent, se jettent en avant et font feu de tous côtés. Il vit dans un état perpétuel d’excentricité où nul de ses collègues ne peut l’accompagner. Il a d’ailleurs une sorte de mission spéciale que personne ne peut partager avec lui. Il défend les intérêts coloniaux comme on ne les défend plus de nos jours. Ainsi le seul point décidé qu’il présente à la chambre, est celui où la chambre ne veut pas le suivre. C’est du reste un homme du monde aimable, un esprit adroit, un orateur distingué. Il saisit avec une finesse remarquable les côtés faibles d’une question. Il a plus d’une fois embarrassé ses adversaires par ses subtilités, et irrité les ministres par ses attaques. Casimir Périer était un de ceux qui supportaient le plus impatiemment cette manière de combattre si soudaine et si imprévue, et