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HISTORIENS
ET
PUBLICISTES MODERNES
DE LA FRANCE.

i.
Armand Carrel.

Voilà un an que Carrel est mort. Combien déjà l’ont oublié ! — C’est peut-être un peu tard pour parler de lui, — me disait un homme grave à propos de mon dessein d’écrire ces pages sur une mémoire aimée et que je sais qu’il honore. — Je devais y regarder, ajoutait-il, avant de livrer un si beau nom à l’indifférence qui accueille les souvenirs tardifs. — Pourquoi donc un oubli si rapide ? C’est que nous vivons à une époque où l’idée de la patrie s’étant rapetissée jusqu’à l’idée de la famille, ou plutôt s’y étant confondue, ceux que perd la patrie ne sont perdus en réalité que par une famille, et les morts d’une famille ne sont pas les morts d’une autre. Comme il n’y a pas de cause générale et commune, si ce n’est celle du repos, qui n’est que l’association de tous les intérêts particuliers, chacun paraît agir pour son propre compte, et quand un homme est mort, on dit : Il n’a fait tort qu’à lui, surtout si, comme Armand Carrel, il était libre de mourir