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inattendu de la question qui s’agitait depuis long-temps entre l’obstiné prélat et le cabinet de Berlin, a causé un étonnement général. Le gouvernement prussien, quoique dirigé sous l’influence personnelle du roi dans un esprit fort remarquable de religiosité protestante, avait affecté pour les provinces rhénanes, foyer d’un ardent catholicisme, des ménagemens et une bienveillance qu’il fait aujourd’hui valoir comme une preuve éclatante de sa tolérance. Depuis la révolution de Belgique, ces ménagemens étaient devenus plus nécessaires encore, pour arrêter le mouvement naturel des catholiques rhénans vers les catholiques belges, aux mains desquels est arrivé le pouvoir après quelques oscillations, et qui ont de grandes chances pour en rester maîtres. Le cabinet de Berlin avait trouvé, dans le prédécesseur de l’archevêque actuel, des lumières, de la modération, des dispositions conciliantes et une certaine facilité à fermer les yeux sur des faits que condamne la doctrine catholique appliquée dans toute sa rigueur. Mais M. de Vischering manifesta dès l’abord un tout autre esprit, et ce qui a peut-être le plus vivement offensé le gouvernement prussien, dont la hiérarchie administrative est si sévère, c’est que le prélat a voulu se mettre, en matière de religion, au-dessus des lois de l’état, ne relever que du saint-siége, ne reconnaître que les brefs de la cour de Rome, et refuser au pouvoir temporel tout droit d’ingérence dans l’exercice de ses prérogatives spirituelles. Ainsi l’archevêque a, de son autorité privée, condamné des doctrines théologiques enseignées à l’université de Bonn par le professeur Hermès, qui leur a donné son nom et qui a laissé des disciples. Après avoir condamné les doctrines, l’archevêque a interdit ceux qui les professaient, et refusé la consécration cléricale aux jeunes étudians qui les auraient embrassées, le tout sans avoir songé à se concerter avec un gouvernement très jaloux de ses droits. La cour de Rome a donné raison au prélat. Mais, quoi que monseigneur Capaccini, sous-secrétaire d’état des affaires étrangères, chargé récemment d’une mission politico-religieuse dans le nord de l’Allemagne, en ait pu dire à Berlin, le ministère prussien n’a pas pardonné à M. de Vischering ses allures indépendantes et ses audacieuses prétentions. On avait encore avec lui un autre sujet de dissentiment. L’archevêque de Cologne a voulu exiger que tous les enfans qui naîtraient de mariages mixtes fussent élevés dans la religion catholique, et en a fait une question de validité pour les unions de ce genre, tandis que l’usage, conforme, si nous ne nous trompons, à un article spécial du traité de Munster, est d’élever les enfans dans la religion du père. Nouvelles négociations à ce propos entre le gouvernement prussien et l’inflexible prélat. M. d’Arnim, ex-président de régence à Aix-la-Chapelle, M. de Bunsen, ministre de Prusse à Rome, fervent unioniste, mais homme sage et modéré, y ont épuisé tous leurs moyens de persuasion. M. de Vischering avait fini par refuser de les voir et n’écouter personne. Ce n’est qu’après de vains efforts pour éviter un scandale, que le cabinet de Berlin, poussé à bout, a fait enlever le prélat, et nommer à sa place un administrateur du diocèse par le chapitre de la cathédrale. Voilà toute la vérité sur cette affaire ; M. de Bunsen doit être parti de Berlin au commencement du mois pour retourner à son poste auprès de la cour de Rome, et conjurer, par les explications nécessaires, l’infaillible mécontentement du chef de l’église.

On ne saurait dire encore jusqu’où peut aller celui de la population ca-