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REVUE. — CHRONIQUE.

réveillé la question d’intervention, il est curieux d’observer comment le grand intérêt qui unit la cause de la reine à celle de la révolution de juillet, disparaît, aux yeux de certaines gens, devant une pure question de parti, et comment on retombe ainsi dans la faute commise, il y a deux ans, par les journaux de l’opposition. De ce que M. Martinez de la Rosa et les opinions modérées qu’il représente ont reconquis leur ascendant à Madrid, de ce que le général Espartero sévit avec une rigueur, qui n’est tout au plus que tardive, contre des attentats qui ont indigné l’Espagne et souillé l’honneur de ses armées, on tire cette conséquence étrange, que si l’intervention avait lieu maintenant, nos soldats iraient avec répugnance prêter l’appui des armes françaises à une réaction contre-révolutionnaire. Nous tenons d’abord à rassurer les esprits qui accueillent de pareils scrupules. Il n’y aura pas d’intervention, et la question n’est plus, sous le point de vue pratique, de celles que la discussion puisse faire avancer. Mais nous n’en disons pas moins à ceux qui apportent dans ce débat des passions si exclusives et des préjugés si étroits, qu’avec tous ces raisonnemens ils contribuent pour leur part à égarer l’opinion. S’ils trouvent que l’intervention serait mauvaise, quand le parti modéré, allié politique du gouvernement français, domine à Madrid, le gouvernement, de son côté, n’a pas eu tort de juger la question au point de vue de ses affinités politiques, et de refuser l’intervention au parti exalté, qui n’a jamais fait mystère de ses sentimens hostiles envers la France, depuis qu’il est arrivé au pouvoir dans la personne de M. Mendizabal. Il serait digne de ceux à qui nous répondons ici de souhaiter à l’Espagne quelque nouveau bouleversement, la constitution de 1812 et des juntes, par exemple, comme moyen de salut, vu le grand bien que lui ont fait depuis trois ans les mouvemens révolutionnaires et l’heureuse impulsion que leurs chefs, M. Mendizabal et autres, ont donnée à ses affaires. C’est une politique de niveau avec celle qui a dicté contre l’intervention, sous le ministère du duc de Broglie, des déclamations stupides, et qui aboutirait infailliblement à la ruine de l’Espagne.

Nous ne quitterons pas cet important sujet, qui reviendra long-temps encore sous notre plume, sans dire que l’opinion publique suit avec une vague inquiétude le développement des travaux que font les Anglais au Passage, les envois de troupes anglaises sur la côte nord de l’Espagne, toutes les mesures enfin qui caractérisent, de la part du gouvernement anglais, une espèce de prise de possession. Il est probable que dans la discussion de l’adresse on demandera au ministère quelques explications sur la réalité et sur l’étendue de ces mesures, peut-être exagérées à dessein par des rapports inexacts. Mais cet état de choses mérite d’autant plus de fixer sérieusement l’attention, que, jusqu’à présent, les carlistes ont paru assez peu se soucier des forces anglaises, qui, en effet, n’ont été ni heureusement ni habilement employées au service de la cause constitutionnelle, et n’ont gêné en rien l’exécution des plus dangereuses entreprises de don Carlos.

Nous n’avons pas encore parlé d’un évènement qui a fait une grande sensation dans toute l’Allemagne et provoqué de fort aigres discussions entre les feuilles catholiques et les journaux protestans, l’arrestation de l’archevêque de Cologne, M. le baron Droste de Vischering, que le gouvernement prussien a fait enlever et transporter dans une place de guerre, en lui interdisant tout exercice ultérieur de ses fonctions épiscopales. Ce dénouement