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REVUE. — CHRONIQUE.

nombre de nouveaux députés qui auront à produire leurs titres, et des élections contestées qui soulèveront certainement des discussions assez vives.

En attendant, le ministère s’occupe d’élaborer divers projets de lois d’intérêts matériels, parmi lesquels on en cite un sur la réduction du timbre des journaux. M. de Montalivet et le ministre des finances doivent appeler les gérans des principaux journaux à concourir à la rédaction de ce projet de loi, qui cette fois ne sera pas conçu en haine de la presse, ainsi que le voulait, sous le ministère du 6 septembre, un jeune sous-secrétaire d’état fort acharné contre le vieux journalisme, comme on disait alors, et qui développait avec chaleur ses idées sur l’abolition du timbre, uniquement pour tuer la vieille presse, qui lui a pourtant pardonné avec une si touchante abnégation. Les chambres auront aussi à consacrer, par le vote des allocations nécessaires, quelques-uns des changemens que plusieurs ministres ont faits dans l’intérieur de leurs départemens, et les améliorations introduites par M. de Salvandy dans l’enseignement supérieur. On n’a pas rendu aux efforts du ministre de l’instruction publique la justice qu’ils méritent, ni reconnu toute la sollicitude qu’ils attestent pour les progrès de la science, dans la direction qu’ont prise les hautes études. Ainsi trois chaires nouvelles viennent d’être instituées par ses soins, l’une au Collége de France, l’autre à la Faculté des Sciences, la troisième à la Faculté de Droit, et confiées à des hommes spéciaux, dont le choix, celui des deux premiers surtout, a mérité l’approbation générale. M. de Salvandy a donné celle de mécanique expérimentale à M. Poncelet, de l’Académie des Sciences, et celle de l’histoire naturelle des corps organisés à M. Duvernoy, doyen de la Faculté des sciences de Strasbourg et collaborateur de Cuvier. La troisième est la chaire de législation pénale comparée. Nous ne saurions trop encourager M. de Salvandy à porter sur des créations de ce genre l’activité d’esprit dont il a fait preuve depuis qu’il a recueilli l’héritage de M. Guizot.

Il a transpiré jusqu’ici fort peu de chose d’un complot que nous avons lieu de croire assez informe et encore éloigné heureusement de sa maturité, contre les jours du roi. Une haine fanatique et qui a survécu à l’amnistie, ce grand acte de clémence et de sagesse, couronné d’ailleurs de si heureux fruits, aurait poussé un homme obscur à faire, sous un faux nom, successivement plusieurs voyages en Angleterre pour y appliquer à la construction d’une nouvelle machine infernale les prodigieuses ressources de l’industrie la plus avancée, et ce serait un dessin, trouvé par hasard dans un portefeuille égaré, qui aurait mis l’autorité sur les traces du projet régicide. Nous ignorons jusqu’à quel point les découvertes qu’ont dû amener les arrestations faites depuis quelques jours, peuvent être sérieuses ; mais nous croyons que si elles ont mis le gouvernement dans le secret de vœux et d’espérances coupables, elles ne lui ont pas fourni assez de moyens pour établir la culpabilité actuelle de ceux que la tranquillité publique condamne à se repaître de leurs impuissantes illusions. Irons-nous, à ce propos, déclamer contre notre temps ? à Dieu ne plaise ! Toutes les révolutions laissent les mêmes passions, les mêmes dangers, les mêmes ressentimens après elles, et il ne faut connaître ni l’humanité, ni l’histoire, pour imputer exclusivement à notre siècle ce qui est de tous les temps.