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lueur sur l’intérieur de la société romaine, faits qu’il serait bon d’approfondir. En ce moment, les passions et les craintes diversifiaient à l’infini la nouvelle. Tantôt Caïus n’était pas mort, on mettait un appareil à ses blessures ; tantôt il était au Forum, tout sanglant, haranguant le peuple : personne n’osait exprimer une pensée, les complices moins que tous autres ; personne n’osait se lever ni sortir, il semblait que le premier qui ferait un pas dans la ville serait jugé le meurtrier de Caïus.

Mais bientôt le peuple entendit au dehors le tumulte de la garde germaine ; le théâtre était investi, il n’était plus possible d’en sortir ; un instant après, les Germains y entrent ; les têtes des hommes qu’ils ont tués, les têtes qu’ils ont promenées dans Rome sont jetées sanglantes sur un autel ; ils veulent se venger, sur qui se venger, si ce n’est sur tout le monde ? Le peuple est saisi de terreur ; qu’on aimât ou nom Caïus, c’est à qui protestera qu’il ne l’a pas tué, à qui pleurera, à qui suppliera, à qui se jettera aux genoux de ces barbares, charmés d’avoir une fois sous la main Rome tout entière. Mais un héraut paraît sur la scène vêtu de deuil, avec un grand air d’affliction : « Caïus est mort, notre malheur n’est que trop certain ! » Les soldats devaient le savoir, mais une nouvelle donnée avec cette solennité est toujours une nouvelle ; ces têtes dures se mirent à réfléchir pour la première fois ; du mort plus rien à espérer, de son successeur tout à craindre. Le profitable eût été de venger le meurtre de Caïus vivant. Ils se retirèrent donc, et, toute réflexion faite, laissèrent vivre le peuple.

Autre chose se passait au Capitole, le sénat s’y était rassemblé ; la basilique Julia, lieu de sa réunion ordinaire, portait le nom de César, il n’en voulait plus ; et pendant qu’au Forum, peuple et prétoriens criaient vengeance contre les meurtriers de Caïus, le sénat condamnait sa mémoire, parlait d’abolir le nom et les monumens de tous les empereurs, donnait pour mot d’ordre le mot de liberté. Une bague que portait un sénateur et sur laquelle était l’image de Caïus lui fut arrachée, mise en pièces ; un des consuls parla magnifiquement sur le rétablissement de l’ancienne liberté ; cette liberté, c’était son ancienne domination que le sénat voulait reprendre, et qu’il ressaisissait avec enthousiasme. Les quatre cohortes des vigiles, garde municipale de Rome, obéissaient au sénat et aux consuls ; elles occupaient le Forum et le Capitole, et déjà le peuple, toujours changeant, bien sûr cette fois que Caïus était mort, applaudissait à Chœrea.

Ailleurs les prétoriens délibéraient à leur façon, regrettant peu