Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/757

Cette page a été validée par deux contributeurs.
753
LES CÉSARS.

est rangée sur les côtes ; ses machines de guerre sont disposées. Caïus est sur son vaisseau ; il s’avance en mer ; il fait un peu de route, puis s’en revient ; — la guerre est finie. Il n’a pas vaincu la Bretagne, il a vaincu l’Océan (c’est-à-dire le Pas-de-Calais ou la Manche). Il monte sur son trône : « Chargez-vous, dit-il à ses soldats, des dépouilles de l’Océan, elles sont dues au mont Palatin et au Capitole. » Après cela, il leur fait ramasser des coquilles, et bâtit un phare comme monument de ses exploits.

Après tant de succès, il voulait un triomphe. « Qu’il soit inoui de grandeur et qu’il ne coûte pas cher, écrivait-il à ses intendans ; vous le pouvez, vous avez droit sur les biens de tous. » Les trirèmes sur lesquelles il avait vaincu l’Océan, devaient être amenées par terre d’Ostie à Rome. Mais il lui fallait des captifs à mener à sa suite, et il n’avait pas fait de prisonniers. Rien n’embarrasse ce hardi bouffon ; il n’a pu prendre de Germains, il prendra des Gaulois, choisira les plus grands et les plus beaux (bon mobilier de triomphe, disait-il), laissera croître et fera teindre leurs cheveux pour leur donner le roux germanique et la longue crinière des barbares, leur imposera des noms germains, leur fera apprendre la langue. Sotte et perpétuelle comédie que la vie de cet homme !

Voici une autre plaisanterie qui, sans sa poltronnerie, devenait sérieuse : il se souvint que plusieurs légions s’étaient mises en révolte après la mort d’Auguste, que tout enfant alors, il avait été menacé avec son père Germanicus ; il retrouvait, sinon les mêmes hommes, au moins les mêmes légions : il voulut les faire égorger, et ce fut à grand’peine que l’on obtînt de lui de les décimer seulement. Il les rassemble donc sans armes, leur fait ôter leurs épées, les fait entourer par la cavalerie ; ces braves gens soupçonnent le danger, s’éloignent à temps, courent retrouver leurs armes. Caïus s’effraie, s’enfuit, prend le chemin de Rome, cherchant sur qui se venger, et trouvant sous sa main la perpétuelle victime des empereurs, le sénat.

Le sénat était fort embarrassé : il avait envoyé une députation à Caïus ; Caïus l’avait mal reçue, ne l’avait pas trouvée assez nombreuse, s’était fâché surtout qu’on y eût mis Claude, son oncle, comme s’il eût eu besoin d’un tuteur : il se plaignait qu’on n’eût pas fait assez pour son triomphe, et, d’un autre côté, menaçait de mort quiconque lui aurait parlé de nouveaux honneurs. Le sénat, bien humblement, bien respectueusement, lui envoya une députation nouvelle pour le supplier de revenir. « Oui, je reviendrai, dit-il, et mon épée avec moi. Je reviendrai pour ceux qui souhaitent mon retour, pour les