Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/753

Cette page a été validée par deux contributeurs.
749
LES CÉSARS.

faisait inscrire dans les testamens au nom de la peur, et qui ensuite, si le testateur s’avisait de vivre trop long-temps, lui envoyait un ragoût délicat de sa cuisine empoisonnée. S’il y avait difficulté sur un testament, l’affaire revenait à l’empereur ; l’empereur était le juge suprême de son empire. — César, vous voilà institué héritier par un étranger, un homme qui ne vous avait jamais vu ; il a exclu pour vous ses amis, ses parens, ses fils. — Qu’importe ? Le droit de testament est sacré. Irai-je briser la volonté suprême d’un citoyen romain ? — César, en voici un autre qui ne vous nomme pas ; il a fait son testament, il est vrai, au commencement du règne de Tibère, mais il était centurion en retraite ; il vivait des bienfaits du prince, il a oublié ce qu’il lui devait. — Infamie ! ingratitude ! Que ce testament soit cassé. — César, disait le premier venu, vous n’êtes pas inscrit au testament ; mais j’ai ouï dire à cet homme qu’il comptait vous faire son héritier. — Oubli ! erreur humaine ! mais le mal est réparable ; le testament ne comptera pour rien. — Ainsi jugeait Caïus ; au commencement de ces audiences lucratives, il se fixait la somme qu’elle devait lui rapporter. Tant que la somme n’était pas complète, il appelait de nouvelles causes, et, juge infatigable, ne se levait que sa besogne remplie.

Les impôts allaient cependant leur train, l’impôt du vingtième sur les successions, l’impôt du centième sur tout ce qui se vendait, et bien d’autres ; mais Caïus ne s’en contentait pas, il lui en fallait de nouveaux, sur tout homme, sur toute chose : — pour la vente des comestibles, tant ; — pour les procès, un quarantième de la somme, une amende si on transigeait ; — sur les gains journaliers des portefaix, un huitième ; — tant sur les maisons de débauche ; — tant sur les mariages. Tout cela s’établissait par des édits bien ignorés, bien clandestins, pour prendre plus facilement les gens en défaut. Le peuple demanda une loi, c’est-à-dire une affiche, car toute la différence de la loi à l’édit était celle d’une affiche à une lettre. Caïus céda à son bon peuple : au coin de quelque place, dans un lieu bien retiré, il fit afficher sa loi en si petites lettres, que personne ne la pouvait lire.

Mais le pauvre homme fut bien plus embarrassé quand une fille lui naquit (malheureuse enfant qui ne vécut pas deux ans, et que, par une justice à la romaine, on écrasa contre un mur, après avoir tué son père). Les charges de l’empire, le fardeau de la paternité, une fille à nourrir, à élever, à doter, mettaient le comble à son indigence : il demandait l’aumône, le pauvre César. Il ne faut pourtant pas croire qu’au mois de janvier il ne reçût aussi ses étrennes :