Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/708

Cette page a été validée par deux contributeurs.
704
REVUE DES DEUX MONDES.

dans sa famille ; là, depuis 1611 jusqu’en 1617, ils étudièrent ensemble toute l’antiquité ecclésiastique, les conciles, les pères, et surtout saint Augustin.

Cependant, par un concours invisible, vers le moment où, se rencontrant au quartier latin, ils se faisaient ainsi part de leurs doutes, de leurs projets, en 1608, dans un monastère situé à six lieues de là, proche Chevreuse, une jeune abbesse de seize ans et demi se sentait poussée de son côté à la réforme de sa maison, de la maison de Port-Royal-des-Champs.

De la rencontre, de l’union, et pour ainsi dire du confluent qui s’opéra ensuite, nous le verrons, entre l’œuvre de cette jeune abbesse et l’œuvre de Saint-Cyran, se composa le Port-Royal complet, définitif, celui des religieuses et des solitaires : pratique méditée, doctrine pratiquée, pénitence et science.

Tel fut, messieurs, le vrai point de départ d’où naquit, au commencement de ce xviie siècle, ce que nous y suivrons pas à pas se développant et s’y faisant une si grande place. J’ai voulu vous bien préciser d’abord, vous décrire, au moins en raccourci, l’heure sociale, l’heure religieuse, où se conçut la réforme de Port-Royal, et, en quelque sorte, les circonstances générales du ciel au moment et à l’entour de ce berceau. Si maintenant nous nous transportons tout d’un coup au but et au résultat, à la chose accomplie autant qu’elle put l’être, nous apprécierons rapidement l’étendue et les termes divers de cette grave et intéressante destinée. Dans le dogme et le fond de la doctrine chrétienne, dans la forme extérieure et la constitution civile de la chose religieuse, dans ce qu’on appelle aujourd’hui la marche de l’esprit humain, dans la littérature, dans l’ordre des vertus morales et des vies touchantes, de ces vies mêmes auxquelles de loin s’attache un intérêt de sentiment, Port-Royal a marqué beaucoup ; il a tenté des pas qui n’ont pas tous été vains, et laissé des traces, des ruines illustres, que nous ne pourrons que dénombrer fort brièvement aujourd’hui.

i. — Théologiquement d’abord, Port-Royal, nous le verrons, eut la plus grande valeur. Dans son esprit fondamental, dans celui de la grande Angélique (comme on disait) et de Saint-Cyran, il fut à la lettre une espèce de réforme en France, une tentative expresse de retour à la sainteté de la primitive église sans rompre l’unité, la voie étroite dans sa pratique la plus rigoureuse, et de plus un essai de l’usage en français des saintes Écritures et des pères, un dessein formel de réparer et de maintenir la science, l’intelligence et la grace.