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LA DERNIÈRE ALDINI.

un mouvement spontané. Derrière nous s’ouvrit la coulisse de bois qui ferme la lucarne grillée par laquelle le prêtre reçoit les confessions, et une tête jaune et ridée, au regard pénétrant et sévère, nous apparut comme un mauvais rêve. Je me détournai précipitamment avant que ce tiers malencontreux eût le temps d’examiner mes traits. Mais je n’osai m’éloigner de peur d’attirer l’attention des personnes environnantes. J’entendis donc distinctement ces paroles adressées à l’oreille de ma complice : — Signora, la personne qui est auprès de vous n’est point venue dans la maison du Seigneur pour entendre les saints offices. J’ai vu dans toute son attitude, et dans les distractions qu’elle vous donne, que l’église est profanée par un entretien illicite. Ordonnez à cette personne de se retirer, ou je me verrai forcé d’avertir madame votre tante du peu de ferveur que vous portez à l’audition de la sainte messe, et de la complaisance avec laquelle vous ouvrez l’oreille aux fades propos des jeunes gens qui se glissent près de vous. La lucarne se referma aussitôt, et nous demeurâmes quelques instans immobiles, craignant de nous trahir par un mouvement. Alors Lila, s’approchant tout près de nous, dit à voix basse à sa maîtresse : — Mon Dieu, retirons-nous, signora ! M. l’abbé Cignola, qui rôdait dans l’église depuis un quart d’heure, vient d’entrer dans le confessional et d’en ressortir presque aussitôt après vous avoir regardée sans doute par la lucarne. Je crains bien qu’il ne vous ait reconnue, ou qu’il n’ait entendu ce que vous disiez. — Je le crois bien, car il m’a parlé, répondit la signora, dont le noir sourcil s’était froncé durant le discours de l’abbé avec une expression de bravade. Mais peu m’importe.

— Je dois me retirer, signora, dis-je en me levant ; en restant une minute de plus, j’achèverais de vous perdre. Puisque vous connaissez ma demeure, vous me ferez savoir vos volontés…

— Restez, me dit-elle en me retenant avec force. Si vous vous éloignez, je perds le seul moyen de me disculper. N’aie pas peur, Lila. Ne dis pas un mot, je te le défends. Mon cousin, dit-elle en élevant un peu la voix, donnez-moi le bras et allons-nous-en. — Y songez-vous, signora ! Tout Florence me connaît. Jamais vous ne pourrez me faire passer pour votre cousin. — Mais tout Florence ne me connaît pas, répondit-elle en passant son bras sous le mien et en me forçant à marcher avec elle. D’ailleurs je suis hermétiquement voilée, et vous n’avez qu’à enfoncer votre chapeau. Allons ! ayez donc mal aux dents ! Mettez votre mouchoir sur votre visage. Eh vite ! voici