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cile ; nous croyons néanmoins que les premiers l’emportent sur les seconds, et nous le croyons avec la majorité du pays, qui nous paraît avoir très clairement décidé la question. Ce n’est plus une question entière ; il y a, en faveur de la conversion, l’autorité de la chose jugée, quant au principe ; il y a engagement pris de la part des grands pouvoirs de l’état ; il y a condition acceptée, même par ceux qui avaient fait la plus longue résistance, et sans autre réserve que celle de l’appréciation des circonstances, appréciation qui appartient de plein droit au gouvernement. Aussi doit-on s’étonner de ce que les adversaires quand même de la conversion raisonnent encore comme ils l’auraient pu faire il y a deux ans, et comme si la question n’avait pas fait un pas depuis la fameuse interpellation de M. Augustin Giraud. Mais depuis cette époque, tout le monde a été transporté de gré ou de force sur un autre terrain, et à moins d’annuler les conclusions du rapport de M. Laplagne, adoptées par la chambre des députés, tout ce qu’on peut faire aujourd’hui, c’est de chercher comment la conversion s’opérera le plus sûrement, avec le plus de succès et d’avantage pour l’état, avec le moins d’inconvéniens et de rigueur pour les rentiers, et si les circonstances permettent de s’engager dans l’opération.

On ne devait pas s’attendre à voir le ministère courir au-devant des difficultés de toute nature que la conversion présente et des dangers qu’elle pourrait avoir en certains cas. D’autres questions, non moins importantes pour la prospérité de la France, d’autres grandes mesures d’utilité publique, lui paraissaient suffire à la session prochaine, et pour qui veut regarder un peu au-delà du moment présent, la situation générale des affaires n’est pas tellement assurée, tellement dégagée d’inquiétudes et de chances mauvaises, qu’une administration sage et prévoyante doive ambitionner la responsabilité d’une aussi périlleuse initiative. C’est assez que le ministère ne soit pas pris au dépourvu et qu’il se soit du moins arrêté à quelques principes fondamentaux sur les détails de la question, pour le cas où le vœu de la chambre se prononcerait formellement en faveur de la conversion. Or, cette position d’expectative, il l’a prise, et la gardera, si nous sommes bien informés, pour n’avoir, en matière si grave, d’autre responsabilité que celle de la mise à exécution. Au lieu de donner la première impulsion, il la recevra, et c’est une résolution dont on ne saurait le blâmer, quoiqu’en général un gouvernement ait d’autres devoirs. Mais cette fois, et quand il s’agit d’une mesure où sont engagés tant et de si grands intérêts, il y aurait de la légèreté à ne pas attendre une provocation solennelle pour descendre dans l’arène.

Nous avons impartialement constaté dans notre dernière chronique l’incontestable accroissement du centre gauche. Plus on approfondit le résultat des élections, plus on étudie les influences qui les ont dominées, plus on est porté à croire que cette fraction de l’ancienne majorité est appelée à jouer, dans la nouvelle chambre, un rôle prépondérant. À ceux qui nient l’existence du centre gauche, nous nous contenterons de répondre que bientôt il faudra compter avec lui, et que dans la pratique des affaires il commandera