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LA RÉPUBLIQUE D’ANDORRE.

de Carlisle ; de quarante-deux jours nous tombons à dix-sept. Au calcul de M. Stephenson, ce ne serait plus que onze jours, rien que onze jours pour ce voyage que nul n’avait osé croire possible avant le xvie siècle, qui a valu à Magellan une immense renommée d’audace, et qui, aujourd’hui encore, dure au moins un an. Onze jours ! c’est le temps que mettaient les plus grands seigneurs, sous Louis XIV, avec tout le luxe possible de carrosses, de chevaux et de valets, pour franchir l’intervalle de Paris à Bordeaux. Avant la révolution, le bourgeois qui allait de Toulouse à Paris en diligence demeurait quinze jours en route. Avec la vitesse vraiment mesquine et vulgaire désormais, de dix lieues à l’heure, il ne nous faudra plus que quinze jours pour nous rendre à Pékin. Nous ferons cette excursion comme aujourd’hui celle de Baréges ou de Saint-Sauveur. Et tout le monde la fera, le boutiquier comme le banquier, l’artisan et l’ouvrier comme le bourgeois, dans de délicieuses voitures bien suspendues, bien douces, bien spacieuses, où l’on peut dormir étendu comme dans son lit. Car ce qui distingue ces nouveaux moyens de transport, c’est qu’ils sont éminemment démocratiques ; ce sont les instrumens les plus irrésistibles du décret de la Providence, qui abaisse les grands et élève les humbles, deposuit potentes. Ils sont accessibles à tous, étant économiques on ne peut plus ! Je me suis trouvé, moi millième, sur l’Hudson, à bord du bateau à vapeur le North-America, et fort à l’aise, bien plus, certes, que dans la meilleure des chaises de poste. Quant aux chemins de fer, sur celui de Saint-Germain il y a place, dans chaque convoi, pour seize à dix-huit cents voyageurs, c’est-à-dire pour toute la population d’une petite ville, y compris les femmes, les enfans et les vieillards. Avec une trentaine de machines locomotives on pourra voiturer, sur les chemins de fer, une armée tout entière, personnel et matériel, et la porter, entre le lever et le coucher du soleil, d’une frontière à l’autre. Fait non moins démocratique ! avec les bateaux à vapeur et les chemins de fer, les voyages, je le répète, se font aussi commodément, aussi mollement qu’aurait pu le désirer un sybarite, que peut le concevoir un pacha à trois queues, lorsqu’il cuve son opium, étendu sur de moelleux coussins dans son harem somptueux ; et ce que ni sybarite, ni pacha ne voudrait croire, ils se font presque pour rien. La charité publique donne trois sous par lieue aux indigens qui voyagent ; c’est aussi la pitance que reçoivent nos braves soldats lorsqu’ils sont en route. Eh bien ! ces trois sous par lieue sont plus que suffisans pour solder un passage sur un bateau à vapeur resplendissant d’or et de