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DE L’ART RELIGIEUX EN FRANCE.

sculptures de l’école de Pise jusqu’aux apôtres de Nuremberg, depuis l’Abbaye-aux-Hommes de Caen jusqu’à la cathédrale d’Orléans. Oui, encore une fois, étudiez, fût-ce au risque de les imiter servilement, les grands hommes qui ont fait de si grandes œuvres ; étudiez-les dans ces œuvres d’abord, puis dans leur vie, dans leurs croyances, dans le fécond et sublime symbolisme dont leurs travaux n’ont été que l’expression. L’étude sérieuse, consciencieuse, amoureuse, conduira à l’inspiration, et l’originalité ne manquera pas ; nous en avons pour témoins les Overbeck, les Veith, les Cornelius, les Hess, toutes les splendeurs de la glorieuse école d’Allemagne.

Nous arrivons, enfin, à ce que nous ne pouvons ni ne voulons regarder comme la disposition hostile d’une dernière classe d’adversaires, mais à ce qui n’en est pas moins l’obstacle le plus grave et peut-être le plus difficile à surmonter que présente l’état actuel des choses, c’est-à-dire l’indifférence et l’éloignement du clergé pour les idées que nous exposons. Quand on songe au grand nombre de travaux que le clergé fait exécuter ou sur lesquels il influe indirectement, il est évident que, tant qu’il n’interviendra pas d’une manière décisive en faveur de la régénération chrétienne et rationnelle de l’art, cette régénération manquera de l’impulsion la plus efficace et du secours le plus naturel. Malheureusement, il n’est pas moins évident que, dans le moment actuel, le clergé est en général indifférent à tout ce qui se fait pour le salut de l’art religieux, qu’un grand nombre de ses membres ignore complètement l’histoire et les règles de cet art, qu’ils ne comprennent ni n’apprécient guère les monumens admirables qu’ils en possèdent, et surtout qu’ils acceptent et consacrent avec le plus aveugle empressement le règne du paganisme dans tous les travaux qui se font journellement dans nos églises. Nous savons qu’il y a quelques honorables exceptions, et nous nous faisons un devoir de signaler celles qui sont à notre connaissance. M. l’évêque de Belley, par exemple, se montre aussi préoccupé qu’aurait pu l’être un pontife des plus beaux siècles de l’église, du maintien et du progrès de l’esprit chrétien dans les monumens de son diocèse ; l’archevêque d’Avignon, les évêques de Nevers, du Mans, de Rodez, ont fait des circulaires qui manifestent le plus louable esprit de conservation et de respect pour la vénérable antiquité. Il y a même au séminaire du Mans un cours d’archéologie chrétienne dont le fondateur, M. l’abbé Chevreau, a mérité récemment une médaille d’or, décernée par la société que préside M. de Caumont. Nous croyons qu’il y a au petit séminaire de Saint-Germer, près Beauvais, un cours semblable. On a vu dernièrement dans les journaux que M. l’abbé Devoucoux, savant autunois, avait fait découvrir les magnifiques sculptures du portail de la cathédrale d’Autun, recouvertes à dessein, au xviiie siècle, par une épaisse couche de plâtre, afin de pouvoir y plaquer un gros médaillon digne de cette malheureuse époque. Ce qui dépasse tout cela, c’est qu’un jeune curé de Nantes, aidé par plusieurs paroissiens instruits, a conçu le plan hardi de rebâtir son église sur un modèle du moyen-âge. Que Dieu le