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à des destinées plus élevées que celles qui lui sont promises par les arbitres usurpateurs de la critique moderne. Il est donc permis d’espérer que nous verrons enfin s’élever une école de peinture chrétienne dans cette France, qui, depuis les enlumineurs de nos vieux missels, n’a pas compté un seul peintre religieux, sauf le seul Lesueur, venu du reste à une époque qui rend sa gloire doublement belle. De la peinture, cette révolution heureuse se communique et se communiquera chaque jour davantage aux deux autres grandes branches de l’art. Nous ne voulons blesser aucune modestie, ni entourer d’éloges prématurés des efforts qui aboutiront plus tard à une couronne populaire et méritée ; mais nous ne pouvons nous défendre de signaler, à côté des œuvres si accomplies et si heureusement inspirées de MM. Orsel et Signol en peinture[1], à côté des monumens, jusqu’à présent trop rares et trop étrangers à la religion, de Mlle de Fauveau, les excellens commencemens de MM. Bion et Duseigneur en sculpture, et ces travaux d’architecture si patiens, si savans et si régénérateurs de MM. Lassus, Vasserot et Louis Piel. Chaque année fortifie les dévouemens anciens, et fait éclore des vocations nouvelles pour la régénération de l’art religieux ; et le jour viendra peut-être bientôt où l’on verra une phalange serrée marcher au combat et à la victoire sur les vieux préjugés et les nouvelles aberrations qui dominent l’art actuel. Mais les obstacles sont nombreux, les ennemis sont acharnés ; la lutte sera longue et pénible. Constatons seulement que cette lutte existe, car, dans le fait seul de son existence, il y a un progrès incalculable sur l’époque de la restauration, et un germe fécond de conquêtes pour l’avenir. Il faut, du reste, nous habituer à regarder en face nos adversaires, à les compter et surtout à peser leur valeur. C’est pourquoi il ne sera peut-être pas hors de propos de faire ici une brève énumération des différentes catégories d’adversaires que nous avons à redouter ou à combattre ; je ne crains pas de dire nous, parce qu’il y a certes entre ceux qui travaillent pour la réhabilitation d’une cause immortelle et ceux qui jouissent du fruit de leurs généreux efforts, une union de cœur et d’ame assez intime pour justifier la solidarité des espérances et des inimitiés.

Posons en premier lieu, non pas comme les plus redoutables, mais comme les plus nombreux et les plus aptes à se laisser confondre par une portion du

  1. Nous pourrions citer dans cette catégorie M. Hauser, car, quoique étranger à la France par sa naissance, il lui consacre ses études. La sympathie du public pour son tableau exposé à Saint-Roch a dû le dédommager suffisamment des inconcevables dédains d’un jury qui a eu le malheur d’être répudié par M. Delaroche et M. Vernet. Mais il aurait plus justement à se plaindre de la légèreté avec laquelle les journaux se sont plu à attribuer cet essai remarquable à une illustre princesse dont le talent n’a pas besoin d’être constaté par un prêt de ce genre. Le Musée des Familles a été jusqu’à faire graver et publier ce tableau en attribuant à son altesse royale la princesse Marie l’œuvre du peintre étranger. M. Hauser nous appartient, du reste, non-seulement par ses propres services, mais par l’excellente ligne qu’il fait suivre à son fils adoptif, qui, à peine sorti de l’enfance, promet déjà à l’art chrétien un digne représentant.