Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/591

Cette page a été validée par deux contributeurs.
587
ERNEST MALTRAVERS.

d’auberge, derrière une très mince cloison, les sermens d’amour adressés à Valérie par Ernest Maltravers. Il est, je crois, inutile d’insister sur toutes ces misérables inventions. Essayer de démontrer tout ce qu’il y a de ridicule dans un pareil récit serait faire injure au bon sens du lecteur. Pour que rien ne manque à ce merveilleux mélodrame, la fille de lady Vargrave, c’est-à-dire d’Alice Darvil et d’Ernest Maltravers, devient la femme de Lumley Ferrers, qui hérite du titre de son oncle, et s’appelle à son tour lord Vargrave.

Ernest Maltravers, pour se consoler de la perte d’Alice dont il n’a pu retrouver les traces, se décide à partir pour l’Italie. Avec l’agrément de son tuteur, M. Cleveland, il quitte l’Angleterre en compagnie de Lumley Ferrers. Le père d’Ernest est mort depuis quelques mois, et la plus grande partie de sa fortune passe entre les mains du frère aîné d’Ernest ; mais notre héros, grâce au testament d’un parent éloigné, possède cent mille livres de rente. À Naples, il devient amoureux de Valérie, et la quitte, malgré son amour, pour devenir, d’après le conseil de Valérie, grand poète et grand homme d’état. À Milan, il rencontre une cantatrice, Teresa Cæsarini, qui a quitté le théâtre pour épouser un Français, M. de Montaigne, réservé, comme Ernest, aux plus hautes destinées. Heureusement Ernest ne devient pas amoureux de Teresa. Il se borne à écouter les vers du frère de Teresa, de Castruccio Cæsarini. Il donne au jeune poète italien des conseils pleins de sagesse. Il lui parle en termes fort pertinens de la difficulté de conquérir la gloire, et des tourmens réservés aux poètes célèbres. M. de Montaigne, qui partage l’opinion de Valérie sur la capacité poétique et politique d’Ernest, le décide à quitter l’Italie. Ernest, docile aux conseils de son nouvel ami, part pour l’Angleterre, et emporte un manuscrit de Castruccio qu’il promet de publier à Londres. Sans ce manuscrit, Florence ne mourrait pas ; on le verra tout à l’heure.

Arrivé à Londres, Ernest écrit des poèmes admirables, et devient célèbre en peu de mois. Il publie le manuscrit de Castruccio, et le libraire qui, sur la recommandation du poète célèbre, a bien voulu imprimer les vers d’un inconnu, en vend quarante exemplaires. Castruccio arrive à Londres pour jouir de son triomphe ; il apprend sa mésaventure, il court chez Ernest, et lui reproche son indifférence. Le poète applaudi répond au poète inconnu avec une sérénité majestueuse. Il essaie de le consoler et de lui rendre courage ; mais Castruccio ne veut rien entendre, et dès ce moment il devient l’en-