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À Londres, au milieu du bruit et de l’agitation du grand monde, les principes de Lumley passeraient inaperçus, ou du moins seraient effacés par mille distractions ; mais en voyage ils exposent Ernest à des contrariétés sans cesse renaissantes, et lui font jouer le rôle d’une dupe volontaire.

Comme parasite, Lumley n’est guère plus adroit ni plus discret. Lors même qu’il ne prendrait pas soin de nous révéler pourquoi il voyage en compagnie d’Ernest, au lieu de voyager seul, nous ne pourrions encore lui porter qu’un intérêt assez tiède ; car l’argent, qui joue dans la vie réelle un rôle si important, n’aura jamais la faculté d’exciter, dans l’ame du lecteur, de bien vives sympathies. Que Lumley n’ait à dépenser que vingt mille livres de rente, et qu’Ernest puisse disposer chaque année, sans entamer son patrimoine, d’une somme de cent mille francs, peu nous importe en vérité. C’est là sans doute une différence fort importante, lorsqu’il s’agit de la signature d’un contrat ; mais, pour en apprécier toute la valeur, il faut avoir une fille à marier, et la majorité des lecteurs épèle d’un œil indifférent les millions prodigués à Ernest Maltravers par la plume complaisante de M. Bulwer. D’ailleurs Lumley le parasite n’est pas plus vraisemblable que Lumley l’égoïste, car il manque aux devoirs de son rôle ; il n’a ni la souplesse, ni l’obséquiosité qui peuvent le rendre acceptable. Au lieu de se plier avec empressement à tous les caprices de son compagnon de voyage, il lui prodigue non-seulement les conseils, mais les remontrances. Au lieu d’adopter tous les projets d’Ernest, il se plaint des dépenses auxquelles l’entraînent les déplacemens imprévus. C’est, pour un parasite, une faute impardonnable et qu’Ernest ne peut oublier. Éclairé par la franchise maladroite de Lumley, il doit rompre au plus tôt avec cette amitié qui se donne pour une spéculation. Ici, comme dans la première partie de son rôle, Lumley se commente au lieu d’agir et de se montrer. À coup sûr ce n’est pas le moyen de nous intéresser ; mais je reconnais volontiers que M. Bulwer a choisi, pour peindre le parasite, la plus facile des méthodes, car qu’y a-t-il au monde de plus simple à imaginer qu’un homme qui dit : Je suis parasite ?

Reste le troisième rôle, je veux dire le rôle de traître. C’est le plus vulgaire des trois, et c’est le seul que Lumley remplisse activement sans commentaire et sans préface. Mais la trahison qu’il conçoit et qu’il réalise est si basse et si misérable, qu’elle serait à peine admise dans un mélodrame. L’homme qui se rend coupable d’une pareille lâcheté ne mérite assurément ni pitié ni pardon. Les lois ne peuvent