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REVUE. — CHRONIQUE.

qui, dans cette année-là, s’était multipliée à l’excès. Toutes les récoltes de légumes, les trèfles, les avoines, les chanvres même, furent presque entièrement détruits dans tout le pays entre la Seine et la Loire, en Auvergne et en Bourgogne ; les plantations de tabac furent également dévastées en Alsace. La désolation était à son comble dans les campagnes. Cette multiplication prodigieuse, l’ignorance l’attribuait à des maléfices. « Dans quelques endroits, disait Réaumur, on m’a assuré avoir vu le vieux soldat qui avait jeté ce sort. Dans d’autres endroits on a vu la laide et méchante vieille qui avait opéré tout le mal. » Eh bien ! on n’alluma point de lampions sous des cloches de verre, on ne fit point la cueillette dont les Mâconnais sont enthousiasmés aujourd’hui, et, l’année suivante, il n’était plus question de chenilles vertes : tout allait au mieux.

Il ne faut pas douter que la pyrale ne disparaisse aussi des cantons dévastés cette année, car la multiplication de chaque espèce est soumise à des vicissitudes très grandes, par suite des variations atmosphériques, et parce qu’elle trouve dans d’autres espèces d’animaux destructeurs des ennemis qui concourent avec les élémens pour rétablir l’équilibre dans les productions de la nature. En 1735, on avait fait des processions contre la pyrale ; aujourd’hui, on envoie un naturaliste ; si, comme nous l’espérons, les dégâts de cet insecte sont moins considérables l’année prochaine, on ne manquera pas d’attribuer au naturaliste la cessation du fléau, comme autrefois on l’attribuait à la procession.

Dans ce débat sur la pyrale, en vérité, on serait tenté de croire que la question n’a été bien comprise que par l’auteur d’un long et plaisant projet de loi pour dresser les petits oiseaux à faire la guerre aux insectes, suivi d’un code pénal contre les chats qui sortiraient pendant le jour sans avoir les pattes garnies de mitaines.

Tout cela concourt à démontrer ce qu’on savait déjà, le peu d’utilité d’une section d’agriculture à l’Institut. Aussi, toutes les dernières élections de cette section ont-elles porté sur des physiologistes ou sur des botanistes, et la prochaine vacance y introduira sans doute un entomologiste ou un chimiste. La section d’agriculture ne contiendra plus alors que le trop plein des autres sections, et ce sera très bien, pourvu que les agriculteurs ne demandent plus désormais des recettes et des préservatifs à l’Institut. Il ne restera plus qu’à souhaiter une semblable transformation dans la section de médecine, qui paraît aujourd’hui ne servir que d’enseigne pour attirer la foule au partage des prix Monthyon et pour appeler les annonces médicales.


Les vers à soie des Chinois. — Nos lecteurs trouveront peut-être que nous les menons un peu loin à propos d’agriculture, mais ils nous sauront gré certainement de leur citer quelques procédés chinois qui prouveraient, au besoin, combien est supérieure à la théorie une longue et persévérante pratique en économie agricole. Les missionnaires seuls, jusqu’à ce jour, avaient pu nous transmettre quelques notions sur la civilisation immuable de la