Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/511

Cette page a été validée par deux contributeurs.
507
REVUE. — CHRONIQUE.

de la parole que par la violence du langage et l’exagération des idées, s’ils se posent hardiment comme ennemis de la constitution et de la monarchie, ils produiront une scission plus éclatante dans la gauche, ils forceront l’opposition dynastique à se caractériser de plus en plus, et ils fortifieront le gouvernement en refoulant vers lui tout ce qui veut sincèrement sa conservation.

Il y a néanmoins, dans ce qui vient de se passer à propos des élections, un fait qui nous a plus frappés que la nomination de M. Michel (de Bourges) ou celle de M. Martin (de Strasbourg), et qui est de nature à faire sur les esprits sérieux une vive et profonde impression. Les élections attestent, non pas tant par le résultat officiel que par la chaleur de la lutte et le nombre de voix que les candidats du parti radical ont trouvées presque partout, combien l’opinion démocratique a de force dans le pays. Les chiffres parlent ; et si, dans l’espace de temps qui nous sépare des élections prochaines, elle faisait autant de progrès que depuis les élections de 1834, l’opinion démocratique pourrait bien, par la composition de la chambre élective, se trouver un jour maîtresse du gouvernement. C’est un évènement qu’on aurait à redouter, si par des actes imprudens et mal calculés on réveillait les vagues inquiétudes sous la préoccupation desquelles ont été faites un grand nombre d’élections, malgré l’heureuse influence du système réparateur de M. Molé. Nous avons dit cependant que l’opposition a perdu, et c’est vrai : elle tiendra moins de place dans la chambre ; mais les suffrages qu’elle a obtenus sont en proportion supérieure, et encore la formation de son comité lui a-t-elle été souvent préjudiciable.

Un des principaux élémens de l’ancienne chambre reparaîtra dans la nouvelle, accru et fortifié : c’est le centre gauche ; seul il n’a pas fait de pertes, et il a acquis de 30 à 35 voix. Le groupe actif surtout du centre gauche est revenu tout entier à une immense majorité de suffrages : ce sont MM. Calmon, Chaix-d’Est-Ange, Dubois de la Loire-Inférieure, Ducos, Dupin, Dufaure, Étienne, Félix Real, Fould, Ganneron, Malleville, Mathieu de la Redorte, Passy, Reynard, Royer-Collard, Roger du Nord, Sauzet, Teste, Vivien, etc. Le chef politique de ce parti a vu son nom sortir deux fois du scrutin, et trois candidatures improvisées lui ont valu un nombre imposant de suffrages, à Saumur contre M. B. Delessert, à Lille contre un candidat légitimiste, et à Réthel contre le maréchal Clausel. Le mouvement du corps électoral vers le centre gauche ne sera pas, nous l’espérons, un vain enseignement pour le pouvoir.

Le centre droit, au contraire, a perdu plus de 30 voix : MM. Chastellier, F. Delessert, Duchesne, de l’Espée, d’Entraigues, d’Haubersart, de Falguerolles, Augustin Giraud, Gouvernel, Hervé, Jay, Lacroix, La Réveillère, J. de Larochefoucauld, baron Merlin, Madier de Montjau, Pataille, Renouard, etc., etc., et il n’a gagné que MM. Benjamin Dejean, Dutier, de La Gillardaie, Cadeau d’Acy, Leclercq dans le Calvados. Si la phalange de M. Guizot a conservé ceux de ses membres auxquels on ne saurait contester le talent de le servir, elle a gardé aussi en partie ceux dont le zèle