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bien que le Magog de Moïse. Mais ce qui nous donne à réfléchir, c’est que, d’une part, les fragmens de Manéthon signalent les pasteurs conquérans de l’Égypte comme des Phéniciens ou des Arabes ; c’est que, d’autre part, les Grecs, qui du Magog des Orientaux ont fait les Scythes, altéraient étrangement les noms propres, de sorte qu’avec eux il faut grandement se défier des ressemblances ; c’est que, enfin, le groupe qu’on lit aujourd’hui Scheto, pourrait fort bien se lire autrement : ce groupe, en effet, se compose de deux parties, dont la première, dans l’inscription bilingue de Rosette, représente constamment l’idée autre, en égyptien ke ; de sorte que la lecture nischeto pourrait bien quelque jour se transformer en un mot du genre de nikejoou, nom que portait une des villes du littoral de l’Égypte, et qui répond exactement au grec alloethnes, les étrangers. Dans la traduction qu’il nous a donnée des inscriptions gravées sur un obélisque à la gloire de l’un des rois de la dix-huitième dynastie, Hermapion nous apprend qu’il a sauvé l’Égypte en triomphant des étrangers, tou alloethnous. Rien ne prouve qu’il n’y eût pas des Scythes dans les hordes qui jadis envahirent l’Égypte, et s’y maintinrent pendant plusieurs siècles ; mais aussi nous devons dire que le mot Scheto, quand il serait incontestable, ne semblerait pas suffisant pour démontrer la présence de ces peuples dans la vallée du Nil.

Nous ne nous arrêterons point à ces tableaux ethnographiques, trouvés dans les tombes royales de l’Égypte, et que M. Lenormant rapproche des récits de Moïse. Il y reconnaît les Chamites, représentés par les Égyptiens de couleur rouge ; les Sémites, au teint blanc et aux cheveux noirs ; les Japétiques, aux yeux bleus, aux cheveux cendrés ou blonds. Comme ces personnages divers sont appelés indifféremment Namou et Tamhou, noms du même genre que Scheto ; comme les comparaisons établies par M. Lenormant reposent uniquement sur des accessoires de forme, de couleur, d’accoutrement, qui probablement sont en partie conventionnels, il est difficile de considérer de pareils rapprochemens autrement que comme un jeu d’imagination. Sous cette désignation générique de Namou et de Tamhou, il reconnaît ici des Juifs, là des Arabes, plus loin des Chaldéens, puis des Assyriens, etc. ; de là force conjectures sur les connaissances et les conquêtes des Égyptiens. C’est tout naturel ; en pareil chemin, il n’y a point de raison pour s’arrêter. Une chose, entre autres, m’a frappé dans cette longue digression, ce sont les conséquences que tire M. Lenormant des longs yeux fendus en amande ; involontairement je me suis rappelé que, dans les peintures égyp-