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de la doctrine qu’il annonçait ; il la donnait comme nouvelle. Sa position était tout autre que celle d’un compilateur qui veut tromper sur l’origine de son livre. Tout cela, du moins, est aussi clair que neuf ; je n’ose ajouter que tout cela est également démonstratif en faveur de l’authenticité du Pentateuque. Mais j’aime à croire que cette authenticité repose sur d’autres preuves moins neuves peut-être que celles du jeune professeur, mais non moins solides cependant ; et j’adhère volontiers à cette conclusion : le Pentateuque est l’œuvre de Moïse. Ce point établi, passons à l’examen des renseignemens que Moïse nous a transmis ; je veux dire, examinons l’usage qu’en a fait M. Lenormant.

Dans le chapitre x de la Genèse, Moïse cite les trois fils de Noé, Sem, Cham et Japhet, comme ayant donné naissance à trois grandes familles ; et sous le nom de chacun d’eux il range les populations diverses dont ces familles étaient composées. D’après quel caractère a-t-il entendu distinguer ces trois groupes ? A-t-il été guidé par quelque ressemblance physique, ou bien par l’identité du système religieux, ou bien encore par la communauté de langage, ou enfin par quelque autre rapport ? Nous l’ignorons entièrement ; le texte de Moïse ne nous offre qu’une aride nomenclature de noms propres. Première difficulté. Admettons qu’en traversant des milliers d’années pour arriver jusqu’à nous, chacun de ces noms propres se soit conservé pur de toute altération ; nul d’entre eux ne nous peut servir sans avoir été préalablement assimilé à quelque dénomination conservée dans les écrits des Grecs et des Latins ; or, nous savons à quel point les Grecs et les Latins ont altéré les noms orientaux, et comment à ces noms ils en ont fréquemment substitué d’autres tout-à-fait différens. Si nous n’avions d’autre guide que l’oreille, qui de nous, dans les Égyptiens, reconnaîtrait le Misraïm de Moïse ? Qui, dans les Éthiopiens, les Libyens, les Phéniciens, reconnaîtrait Chus, Phuit, Chanaan ? Deuxième difficulté. C’est à désespérer d’obtenir du chapitre x le moindre éclaircissement. Cependant M. Lenormant n’a point reculé devant les difficultés que je viens d’indiquer ; il s’est plu même à leur en adjoindre d’autres, ainsi qu’on va le voir.

Les écrits de Moïse ne sont pour M. Lenormant qu’une œuvre historique ordinaire, soumise par conséquent aux mêmes chances d’altération que tous les autres livres arrivés jusqu’à nous à travers les mains de mille copistes. Le jeune professeur reconnaît qu’on a dû y introduire successivement des gloses ou scholies et des interpolations faites dans un but politique ou religieux ; il admet en par-