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nature distribue aux deux sexes, par égales portions, l’aptitude aux sciences et aux beaux-arts, sauf la répartition des genres, le goût des sciences étant plus spécialement affecté aux hommes et celui des arts plus spécialement aux femmes. »

L’une des plus vives, des plus touchantes sollicitudes de Fourier, c’est l’éducation de l’enfance et l’éclosion de ses vocations. On voit qu’il parle de l’enfance avec amour, avec bonheur ; un père n’est pas plus prévoyant et plus tendre. Il est vrai que là était tout son espoir, toute sa chance à venir. Les hommes qui ont vécu sont de fer aux idées nouvelles ; l’enfance est une cire molle qui reçoit et garde toutes les empreintes. Aussi il faut voir avec quel soin Fourier classe ses élèves en six tribus, en leur donnant des noms distincts et familiers ; comment il s’élève contre notre système d’éducation, qui tend à les laisser sous la direction paternelle, toujours imprévoyante, d’après lui, et imparfaite, surtout quand il faut que l’enfant choisisse la direction la plus conforme à ses instincts et à son aptitude.

Opérer le plein développement de toutes les facultés matérielles et intellectuelles, afin de les appliquer à l’industrie productive, tel est le système d’éducation de Fourier. Il la divise en cinq phases. L’une, de première enfance, est celle où les nourrissons reçoivent dans un dortoir ou séristère commun les soins d’hommes, de femmes et d’enfans, formés en groupe pour ce travail. Ainsi, ces soins donnés à l’enfance ne sont plus un service banal, c’est une vocation, c’est une fonction sociale ; le rôle de nourrice a lui-même son importance. Fourier veut qu’une nourrice soit belle, qu’elle soit robuste, et même qu’elle ne fausse pas en chantant. Cette exigence s’explique dans un monde harmonien. L’enfant dort sur des hamacs et libre de langes ; on ne gêne pas plus ses mouvemens que, plus tard, on ne gênera ses instincts. Quand l’enfant est sur pied, l’éducation commence ; alors il faut songer à pressentir la vocation, à la solliciter, à la faire éclore ; il faut surveiller les élans de ces natures naïves, bien remarquer leur vice de choix, si c’est le furetage, si c’est la gourmandise, si c’est la singerie, si c’est l’amour du bruit, si c’est la malpropreté. Dans chacun de ces faits, il y a une révélation : selon qu’il manifestera tel appétit ou tel autre, telle préférence, telle manie, l’enfant sera ouvrier, ou artiste, ou industriel, ou gastronome, ou agriculteur. À cinq ans commence un autre ordre d’exercices ; il s’agit alors d’agrandir autant que possible les passions sensitives, et de pousser au développement du tact, de la vue, de l’ouïe, du goût et de l’odorat. Les cinq sens ont besoin d’une éducation, comme le corps d’une