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SOCIALISTES MODERNES.

groupes d’ambition, le supérieur entraîne l’inférieur, la loi de hiérarchie le voulant ainsi ; dans les groupes d’amour, les femmes entraînent les hommes, émancipation qui en vaut une autre ; enfin, dans les groupes de famille, les inférieurs entraînent les supérieurs, concession touchante faite à la faiblesse. Ces groupes se forment d’eux-mêmes au moyen de ces divers ressorts. Chaque fois que dans un groupe il y a lieu à conférer ou un titre ou un grade, on y procède par l’élection. Tous les membres d’un groupe ont voix délibérative : la majorité fait loi. Le même mode électif, les mêmes rouages d’organisation passionnée, sont appliqués aux séries, qui sont l’association des groupes, aux phalanges, qui sont l’association des séries.

Après les groupes, qui comptent par sept ou neuf, viennent les séries, qui doivent avoir de vingt-quatre à trente-deux groupes, et qui, à leur tour, forment les phalanges. La phalange comprend environ dix-huit cents personnes. La demeure d’une phalange se nommera un phalanstère. Un phalanstère devra être un édifice à la fois commode et élégant, dans lequel l’utilité n’aura point été sacrifiée au luxe, ni l’architecture aux exigences de l’aménagement. Ce sera une vaste construction, de la plus belle symétrie, et accusant par sa grandeur les pompes de la vie nouvelle. De droite et de gauche se projetteront des ailes gracieuses repliées sur elles-mêmes, en fer à cheval. Là, loin du centre de la grande famille s’installeront les métiers bruyans. Ce palais sera double dans son étendue, avec des corps de bâtimens assez éloignés l’un de l’autre pour former des cours intérieures et ombragées, promenades des vieillards et des convalescens. Au milieu du bâtiment principal s’élèvera la Tour d’Ordre, siège du télégraphe, de l’horloge, et des signaux chargés de transmettre leurs instructions aux travailleurs disséminés dans la campagne. Le théâtre et la bourse trouveront leur place dans la même enceinte. À la hauteur du premier étage, et dans tout le pourtour de l’édifice, régnera une rue-galerie, chauffée en hiver, ventilée en été, et offrant, d’un atelier à un autre, une communication facile et à l’abri de toutes les intempéries. Au besoin cette rue-galerie servira encore de salle d’exposition aux objets d’art et aux produits industriels de toute espèce.

Dans un phalanstère, tout sera organisé pour une vie attrayante et libre, une vie au goût de chacun : commune, si l’on veut ; solitaire, si on le préfère. On y poursuivra deux visées : la commodité générale et le bien-être individuel. Les logemens, les salles de réunion, les réfectoires, les ateliers, les cuisines, les caves, les greniers, les offi-