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SOCIALISTES MODERNES.

time, à laquelle il est impie de résister. L’attraction est la loi humaine comme elle est la loi des mondes. Autant de passions fondamentales, autant d’attractions. « Les attractions sont proportionnelles aux destinées, » ajoute Fourier. Céder à ses attractions, voilà où est la vraie sagesse, car les passions sont une boussole permanente que Dieu a mise en nous. Aussi Fourier ne balance-t-il pas entre la liberté et la contrainte, l’attraction et la morale. Et si le milieu dans lequel se meuvent les passions, ces impulsions divines, forme un obstacle à leur essor et à leur harmonie, c’est ce milieu, ce milieu humain qu’il faut modifier. D’où le réformateur conclut à la création d’un milieu nouveau, d’un monde sur d’autres bases. Dans ce monde, où toute latitude sera donnée au jeu des passions, cet équilibre harmonieux que leur compression n’a pu produire, naîtra de lui-même et spontanément ; l’attraction poussera vers le devoir par la satisfaction de toutes les volontés. L’homme alors cessera d’être une antinomie vivante, placé qu’il est entre les impulsions de sa nature et les prescriptions de la sagesse actuelle. Plus d’action comminatoire sur les élans de l’âme, sur les instincts du corps ; plus de force répressive, plus de délits, plus de peines ; la contrainte et l’incohérence feront place à l’harmonie et à l’unité ; le nouveau mécanisme social réalisera la loi mathématique qui doit employer toutes les forces, utiliser tous les penchans, accorder toutes les impulsions, unir toutes les volontés, agir, en un mot, de manière à ce que l’intérêt personnel, indépendant dans ses allures, se fonde, s’absorbe dans l’intérêt général et concoure à son agrandissement.

Avant de déchaîner ainsi les passions sur le monde, il était utile peut-être de les récapituler toutes, de les saisir, de les distribuer, de les peser attentivement, de les combiner. C’est un travail que Fourier n’a voulu déléguer à personne : il a reconnu lui-même ou cru reconnaître en nous trois buts d’attraction : le besoin de luxe, la propension à se grouper, et la tendance à l’unité. Le luxe, divisé en luxe interne et externe, comprend au premier titre la santé, au second la richesse. Comme les cinq sens sont du ressort de cette nature d’attraction, elle est, à cause de cela, subordonnée aux passions qui naissent de l’ame. La propension à se grouper embrasse les passions affectives, l’amour, l’amitié, l’ambition, et une quatrième passion que l’inventeur nomme le familisme (lien de parenté). Ces attractions de diverse nature et de puissance variable servent à lier entre eux et à grouper les individus. Mais au-dessus de ces passions, il en règne trois autres qui leur sont supérieures, passions rectrices, comme les nomme Fourier, mobile des plus grandes actions humaines. Ces pas-