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voies de Dieu, qui n’a rien fait d’essentiellement mauvais, d’essentiellement inutile. Si l’humanité ne fonctionne pas avec la même harmonie qui préside à la marche des mondes, c’est qu’on s’obstine à lui donner une impulsion contraire à l’impulsion divine. Entre le créateur et la créature, il y a eu cinq mille ans de malentendu. Jusqu’ici en effet tous les codes de philosophie et de morale ont prétendu distinguer deux sortes d’instincts chez l’homme, ceux-ci bons, ceux-là mauvais, et l’éducation a visé dès-lors à développer les uns et à comprimer les autres. Or, à quoi a servi ce travail de compression appliqué depuis bien des siècles aux mauvais penchans, si ce n’est à prouver qu’ils étaient, comme les bons, de nature indélébile et d’origine supérieure ? Ceci établi, que reste-t-il à faire maintenant, sinon à essayer si ces penchans, si ces instincts que l’on qualifie de mauvais n’ont pas, dans l’harmonie générale des êtres, un emploi, une destination nécessaire, s’ils ne sont pas, en un mot, un bienfait au lieu d’être un fléau. Utiliser les passions, leur assurer un libre et entier développement, de manière à ce que toutes servent et qu’aucune ne nuise ; associer les facultés et les forces, tels furent, comme on le verra bientôt avec plus de détails, le point d’appui de la découverte sociétaire, les fondemens de l’édifice de Fourier.

Ce fut sous le coup de cette révélation, confuse encore, qu’il publia, dès 1808, un livre demeuré long-temps obscur, la Théorie des quatre mouvemens, auxquels il devait plus tard ajouter un cinquième mouvement, le mouvement aromal qui comprend les corps impondérables, l’électricité, le magnétisme, etc. La Théorie des quatre mouvemens est déjà tout le système : dans ce que ce volume signale et dans ce qu’il sous-entend, se trouve la pensée entière de l’inventeur ; les autres livres ne seront plus que des développemens et des commentaires. Déjà il s’agit d’abolir le ménage morcelé pour faire prévaloir le ménage sociétaire, d’organiser l’humanité par phalanges et d’y faire régner une harmonie générale, résultat de l’attraction passionnée, termes qui expriment le jeu libre des passions dans l’ère nouvelle. Tout ce qui doit plus tard faire la force et la parure de la théorie se trouve pressenti, annoncé, prophétisé ; l’association agricole, le travail alterné, les courtes séances, les phases cosmogoniques du globe, l’organisation par groupes et séries, la rémunération appliquée aux sciences, aux lettres et aux arts, le principe de l’analogie universelle, rien n’est omis, pas même la formule devenue célèbre : associer les hommes en capital, travail et talent. Cependant, malgré ses mérites, l’ouvrage est une composition bizarre et trop peu méthodique ; les