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PUBLICISTES DE LA FRANCE.

rant contre le roi, à ces catholiques ménageant les plus extrêmes opinions protestantes, à ces dissidens coalisés avec les papistes contre les anglicans, à tant d’alliances monstrueuses, à tant de mobilité passionnée, la silencieuse immobilité du parti républicain ! Quels tableaux à faire, même avec sa manière sobre et contenue, des morts glorieuses des Russell et des Sydney, ces nobles victimes des illusions républicaines ! Quoi de plus aisé que de rabaisser la victoire du prince d’Orange en montrant toutes les souffrances qu’elle laissait crier, tous les droits qu’elle ne reconnaissait pas, toutes les imperfections qu’elle adoptait, toutes les représailles et toutes les réparations dont elle chargeait l’avenir ?

Dans le livre de Carrel, les vieux républicains du règne de Charles Ier sont traités avec respect, mais sans sympathie particulière. Carrel les juge, preuve que leur cause n’est pas la sienne. Leurs consciences sont admirées ; qui ne les admirerait pas ? mais leurs idées sont jugées avec sévérité. Selon Carrel, ils ont pris pour un caprice de cour ce qui est l’œuvre de la nation. Ce sont eux qui ont fait naître les alarmes auxquelles la liberté a été sacrifiée. Russell, Sydney, grandes ames, ont été des esprits irrésolus, voulant la fin sans les moyens, proclamant le droit d’insurrection et niant toute pensée de violence contre la personne du roi. Si ce sont là des jugemens d’ami, celui-là est un ami bien froid, qui peut être assez juste pour fournir des raisons à ceux qui seraient tentés de ne l’être pas.

Quant à la victoire du prince d’Orange, loin de la rabaisser, Carrel la relève, d’abord en traitant avec une faveur particulière cet homme illustre, ensuite en lui faisant un cortége, dans sa marche triomphante d’Exeter à Londres, de tous les intérêts sérieux, de toutes les libertés politiques et religieuses de l’Angleterre. Il n’y a qu’un mécontent, outre le parti vaincu, ou plutôt tout ce qui s’en était compromis d’une manière irréparable ; ce mécontent, c’est le peuple. Mais de quoi l’est-il ? Carrel ne prend pas de précautions pour le dire. Tantôt de ce qu’on l’a frustré de quelques jours de désordre et de pillage, et de ce qu’il ne trouve pas dans les manifestes « ce qui eût enflammé ses passions ; » tantôt de ce que l’approche du prince d’Orange enhardit les magistrats de la Cité dans la répression des désordres intérieurs, inévitable résultat des révolutions ; tantôt de ce que l’entrée furtive et sans appareil du prince dans Londres prive sa curiosité du spectacle d’une procession solennelle.

Telle était l’opinion de Carrel en 1827. Pourquoi donc, après une expérience de quelques mois seulement, s’est-il tourné contre la