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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

commence en Angleterre à se trouver bien fatigué ; car le plus mince officier qui a fait la guerre de l’indépendance, se croit en conscience obligé, avant de mourir, de laisser à la postérité un récit de ses exploits personnels, avec un commentaire critique sur tous les grands capitaines de ce siècle, depuis l’empereur Napoléon jusqu’au colonel de son régiment. C’est un tort que nos compatriotes font à leur gloire et à celle de leur pays, en insistant de telle façon sur les campagnes de la Péninsule, comme s’ils n’avaient pas autre chose dans leur histoire. Cependant je me garderai bien d’en contester la grandeur. Toute cette guerre, je le sais, a été une longue et dangereuse épreuve pour le général, qui, du côté des Anglais, en a eu seul la direction, et jamais réputation ne sortit plus éclatante et plus entière d’un jugement aussi rigoureux. Quant aux fautes qu’il peut avoir commises, l’histoire décidera entre quelques-uns de ses panégyristes anglais qui le proclament infaillible, et plusieurs de ses critiques étrangers qui semblent lui imputer tous ses revers et faire honneur au diable de tous ses succès. Ce qu’on peut dire au moins, c’est que jamais il ne fut commis de fautes plus faciles à réparer et, en effet, plus promptement réparées, et que jamais, sous le commandement du duc de Wellington, une défaite ou une déroute ne déshonora l’étendard britannique. Qu’on parcoure l’histoire de ses campagnes ; quelque étranger qu’on soit à la profession des armes et à l’art de la guerre, on sera frappé tout d’abord du peu d’énergie que Wellington apporte à poursuivre les plus beaux succès : on n’y trouvera ni conquêtes rapides, ni coups étourdissans. Mais pour être juste, il ne faut pas oublier quelle était sa position. Dans tout le cours de la guerre, son armée fut le seul espoir de la cause qu’elle soutenait, au milieu de trois ou quatre armées françaises, séparées, il est vrai, par la nécessité de couvrir une vaste étendue de pays, et harcelées de tous côtés par l’insurrection populaire qui les entourait, mais toujours capables, à la moindre provocation téméraire de la part du général anglais, de l’envelopper et de le détruire, et de détruire avec lui le dernier moyen de salut de l’indépendance espagnole. Et ce n’est pas tout. Derrière les armées françaises, il y avait la France et l’empereur ; derrière Wellington, la mer, un ministère divisé, deux chambres tracassières et difficiles. Les qualités par lesquelles il brille sont justement les plus appropriées à une pareille situation : la patience, la fermeté, la sagacité. On ne saurait nier qu’il n’eut grand besoin de la première pour endurer l’irritation constante, produite par les erreurs d’un gouvernement qui allait ensevelir trente mille hommes dans les sables