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leur activité. Ce fut là toute l’existence du colonel Wellesley. Une maladie grave l’empêcha de faire partie de cette singulière expédition envoyée, en 1801, des bords du Gange sur ceux du Nil, sous les ordres du général Baird, pour y combattre les Français, et qui arriva trop tard. Mais en 1803 éclata la dernière grande guerre de la compagnie dans l’Inde centrale, celle des Mahrattes. Wellesley y obtint le commandement de l’armée d’opérations du sud, destinée à marcher contre leur chef Scindiah. Homme entreprenant et adroit, bien plus dangereux ennemi que le fougueux Tippoo-Saïb, Scindiah semblait vouloir suivre les traces d’Hyder-Ali, le seul chef hindou qui ait jamais compris sa position ainsi que la nature et les nécessités d’une guerre contre les Anglais.

Un général anglais, fatigué de suivre inutilement les marches et contremarches d’Hyder-Ali, lui adresse un jour une provocation régulière pour une rencontre en bataille rangée. « Donne-moi, lui répond Hyder-Ali, des troupes semblables à celles que tu commandes, et nous en viendrons aux mains. Tu comprendras un jour mon système de guerre. Irai-je risquer ma cavalerie, qui m’a coûté mille roupies par cheval, contre tes boulets de canon qui n’en coûtent que deux ? non certes. Je vais faire marcher tes troupes à ma poursuite, jusqu’à ce que tes soldats aient les jambes aussi longues que le corps. Vous ne trouverez pas un brin d’herbe, pas une goutte d’eau. Je saurai de vos nouvelles toutes les fois que vous battrez le tambour ; mais vous ne saurez pas une fois par mois où je suis. Je livrerai bataille à ton armée quand je voudrai, et non quand il te plaira. » Telle est la tactique que Scindiah parut d’abord adopter. Aussi fallait-il l’atteindre à tout prix, et se battre à tout risque. C’est ce que fit Wellesley avec une vigueur et une rapidité inconnues jusqu’alors dans les guerres de l’Inde. Quand les deux armées se rencontrèrent à Assye, dans le Deccan (23 septembre 1803), Scindiah comptait sous ses drapeaux dix mille hommes de troupes régulières à pied, commandés par des officiers européens ; de trente à quarante mille chevaux, et cent pièces de canon. Wellesley l’attaqua avec six ou sept mille hommes. Cette action est la plus terrible que nous ayons jamais eu à soutenir dans l’Hindostan, car les vainqueurs laissèrent sur le champ de bataille presque le tiers de leur monde ; mais les Mahrattes furent écrasés. L’infanterie anglaise enleva leur artillerie à la baïonnette, et Wellesley eut deux chevaux tués sous lui, le premier d’un coup de lance, et l’autre d’un coup de feu. Cette bataille ruina effectivement le pouvoir de Scindiah ; mais il fallut une seconde