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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

séparé de son détachement, et revient dans une agitation extrême apprendre à son général le mauvais succès de l’expédition. Cependant, au point du jour, le régiment se rallia, et prit d’assaut le poste attaqué inutilement la veille. Baird, dit-on, intercéda généreusement auprès d’Harris en faveur de son heureux rival, pour lui faire donner, par une seconde attaque, l’occasion de réparer son échec de la nuit. La chose, en elle-même, n’a pas grande importance ; mais les amateurs du romanesque, dans l’histoire des hommes célèbres, l’ont citée, avec la fuite de Frédéric II du champ de bataille de Mollwitz, comme un exemple de ces terreurs paniques, qui ont souvent, dit-on, surpris à leur première affaire les futurs héros de mille batailles.

La prise de Seringapatam (4 mai 1799) est une des affaires les plus sérieuses et les plus disputées que les troupes anglaises aient jamais eues dans l’Inde. Tippoo était constamment le dernier à quitter les retranchemens ; à mesure que les Européens s’en rendaient maîtres, et tant que dura la résistance des assiégés, on le vit tirer de sa main sur les assaillans, servi par deux des siens, qui n’avaient d’autre occupation que de lui charger des fusils. Enfin la multitude des fuyards l’entraîna malgré lui vers son palais. Wellesley, qui s’était fort distingué dans cet assaut, fut un de ceux qui découvrirent sous un monceau de cadavres le corps inanimé du monarque vaincu. C’était sous une des voûtes du palais, et ses plus fidèles serviteurs avaient été massacrés près de lui. Tippoo avait reçu quatre balles dans la poitrine et une dans la tête, la dernière, dit-on, de la main du soldat que le prince expirant avait blessé d’un coup de sabre, au moment où l’Anglais se jetait sur lui pour le dépouiller.

Après cette conquête, le colonel Wellesley eut quelque temps le gouvernement du royaume de Mysore, et, l’année suivante, y signala son activité par la défaite du chef de brigands Dhoondia Waugh, qui prenait le titre de roi des deux mondes, et dont l’armée s’élevait à cinq mille hommes d’excellente cavalerie légère. C’était un de ces aventuriers, moitié prince et moitié voleur, qui surgissent dans l’Inde à la fin de toutes les grandes guerres, et réunissent autour d’eux les débris des armées indigènes.

Une fois cette expédition terminée, toute l’histoire du séjour de Wellesley dans l’Inde, pendant deux ou trois ans, ne présente rien de plus remarquable que la vie ordinaire des officiers anglais en ce pays. Maintenir l’ordre avec une poignée de troupes sur une étendue de territoire aussi vaste que la plupart des états européens, telle est leur mission, l’objet constant de leurs soins et le but de toute