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REVUE. — CHRONIQUE.

La situation des affaires n’a pas changé en Portugal, c’est-à-dire que ce royaume est toujours à la veille d’une révolution, ou d’un essai de révolution nouvelle. Un des hommes les plus marquans du parti constitutionnel, M. de Sa, que la reine a chargé de former un ministère et appelé à Lisbonne dans cette intention, ne trouve personne qui veuille accepter le fardeau du pouvoir aux conditions que la cour paraît y mettre. Le dernier ministère, composé d’hommes estimables, éclairés et sages, a été sacrifié de gaieté de cœur, on ne sait à quelles répugnances et sous l’inspiration de quels conseils. Devenu suspect à son propre parti, accusé de connivence avec les chartistes et de ménagemens coupables envers la cour, il avait perdu la confiance des cortès sans gagner celle du palais, qui lui a rendu le gouvernement impossible ; et aujourd’hui le problème à résoudre dans la formation d’un nouveau ministère, c’est de faire consentir trois ou quatre personnages politiques du parti de la majorité des cortès à gouverner dans un sens contraire aux vœux et aux principes de cette majorité. L’assemblée en est très mécontente, et la discussion d’un article important de la constitution nouvelle vient de prouver combien elle est exaspérée contre le pouvoir royal. Il s’agissait de déterminer le mode de formation d’une seconde chambre, votée en principe comme base constitutionnelle. Des majorités, constamment très fortes, ont décidé que la seconde chambre serait élective et temporaire, résultat que la cour aurait peut-être prévenu par une conduite plus habile et une attitude moins équivoque ; car on l’attribue généralement à l’irritation que les cortès ont ressentie de tous les actes du gouvernement depuis le commencement de la guerre civile allumée au nom de la charte.

Nous craignons que la jeune reine de Portugal ne soit entourée de passions bien aveugles, et qu’elle ne défère trop à des conseils dépourvus de raison et de sang-froid. Tout ce qui se passe à Lisbonne, l’indépendance complète dont elle y jouit, cette lutte soutenue contre les cortès, sont même autant de preuves qu’il s’attache toujours un grand prestige au nom de la fille de don Pedro. Serait-il politique et raisonnable de pousser beaucoup plus loin cette singulière épreuve de ses forces ? Nous ne le croyons pas. Ce serait peut-être fort dangereux à la longue. Des couronnes mieux affermies que ne peuvent l’être encore celles de dona Maria et du prince Ferdinand son époux, ont été compromises par de pareilles imprudences, et ces deux souverains devraient recevoir, de près ou de loin, le conseil de s’en abstenir. Une troisième tentative de contre-révolution ne serait pas plus heureuse que les deux premières, et le parti qui domine à Lisbonne et dans les cortès pourrait faire plus chèrement expier à la cour le soupçon d’en avoir au moins désiré le succès.


— La publication des Pensées d’Août a donné lieu, dans la presse, contre M. Sainte-Beuve, à une malveillance qui nous étonne et nous afflige. Qu’on éprouve plus ou moins de sympathie pour une tentative, peut-être hasardée, de rénovation poétique, nous le concevons sans peine. Moins que tous autres,