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REVUE. — CHRONIQUE.

de toutes les opinions, se sont changées en un concert unanime et spontané d’éloges non suspects, pour caractériser la part que le second fils du roi avait prise au plus beau fait d’armes accompli depuis la révolution de juillet ; et si le récit du siége de Constantine rentrait dans le cadre de cette chronique, nous n’aurions qu’à enregistrer ces honorables témoignages rendus par la voix publique à M. le duc de Nemours. On s’en est plaint, nous le savons ; car de quoi ne se plaint-on pas ? Et pourtant ces éloges ne sont-ils pas aussi flatteurs pour le jeune prince que la pompe du panégyrique officiel, toujours accusé de flatterie, quoi qu’on en dise ? Pour nous, si nous regrettons des lacunes dans le rapport du général Valée, ce n’est pas celle-là, comblée, en même temps qu’aperçue, par des mains qui ne s’en doutaient guère : c’est, nous devons le dire, la liste des morts, et surtout des officiers, dont les familles restent en proie à la plus affreuse anxiété.

Nous avons vu avec peine que des esprits bien peu français aient cherché à rabaisser la gloire et à diminuer l’importance de ce beau succès. La prise de Constantine est en elle-même un évènement des plus heureux et des plus graves pour notre pays, à ne considérer que la sphère immédiate des intérêts qui s’y rattachent. Mais pour le bien juger, il faut l’envisager d’un point de vue plus élevé. Il faut se rappeler ces mémorables paroles du rapport froid et sans passion de M. le général Valée : « C’est une des actions de guerre les plus remarquables dont j’aie été témoin dans ma longue carrière ; » il faut se dire que cette armée, qui a déployé le jour de l’assaut une si brillante valeur, avait opposé à des souffrances inouies une patience, une résignation et un sentiment du devoir, qui méritent peut-être encore plus d’admiration. Et puis, il faut voir une grande partie de l’Europe, alliée ou non, représentée à ce siége par des officiers de mérite qui en auront apprécié les difficultés et suivi d’un œil doublement curieux les moindres incidens. Oui, nous en avons la certitude, plus d’un se sera dit et aura écrit confidentiellement que ce sont encore les Français qui tirent le mieux le canon et poussent le plus loin la baïonnette.

Il n’y a ici, de notre part, ni jactance, ni vaine menace. Nous apprécions la prise de Constantine sous le rapport politique, nous en établissons l’effet réel sur l’opinion publique de l’Europe, et nous nous en félicitons pour notre pays, pour notre gouvernement, pour la révolution de juillet.

Mais que va-t-on faire de Constantine ? À cette question posée aussitôt de toutes parts, le ministère a laissé répondre que la France garderait Constantine. Le ministère a bien fait ; c’est une résolution digne de l’homme d’état qui a voulu l’expédition, qui en a compris toute l’importance pour l’avenir du cabinet qu’il dirige avec autant d’habileté que de bonheur, qui l’a voulu heureuse et n’a rien négligé pour que l’entreprise fût couronnée de succès. Il ne faut pas qu’après la satisfaction obtenue pour l’honneur national, on en vienne à se demander quel a été le fruit de la mort de tant de braves ; il faut au contraire que ce fruit reste et se développe dans la conservation de notre conquête. À tout évènement, le ministère est en excellente position vis-à-vis