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jours vrai. Quand le parti modéré a pour lui l’avantage du talent ou même celui du nombre et de la popularité, les opinions extrêmes se réduisent d’elles-mêmes au second rang. Mais ici la supériorité appartient, sous tous les rapports, à la fraction républicaine de la coalition. Les membres de la gauche parlementaire qui émigrent vers cette région brûlante, n’y apportent que leur influence personnelle, et l’unique orateur de cette petite église se trouve être l’homme qui met le plus d’habileté à perdre les causes qu’il défend. Le chef de la fraction radicale, au contraire, M. Garnier-Pagès, unit aux qualités de l’orateur celles de l’homme d’affaires et de l’homme d’action. Sa position est la plus belle et la plus éminente, car la plupart de ses alliés, tout en déclarant qu’ils ne croient pas à la possibilité d’un gouvernement républicain en France, s’avouent républicains d’avenir. De plus, le parti qu’il représente manœuvre avec un certain ensemble, et s’est formé à la discipline dans le malheur. Aussi M. Garnier-Pagès et les radicaux disposent-ils à peu près souverainement du comité ; on leur abandonne le soin de diriger les correspondances, et il est facile de reconnaître, dans les candidatures recommandées publiquement, la prépondérance qu’ils ont bientôt su conquérir.

Nous avons exposé, avec une entière sincérité, les conséquences, tant prochaines qu’éloignées, de la scission, depuis long-temps prévue, qui vient enfin d’éclater parmi les membres de l’opposition. Tous les hommes qui veulent conserver à l’opposition parlementaire son caractère légal, députés ou écrivains, ont dû s’abstenir de prendre part aux travaux d’un comité qui recevait dans son sein les organes du parti républicain. Nous tenons à honneur d’avoir été du nombre des protestans[1]. Mais nous allons peut-être plus loin qu’aucun d’eux dans notre opposition à tout traité de paix avec les radicaux. Dans notre pensée, l’avenir de la société française ne leur appartient pas plus que la direction du temps présent. Les idées qu’ils reproduisent ont été mises à l’épreuve dans d’autres circonstances, elles ont eu leur à-propos et leur utilité ; mais c’est désormais un passé qu’il faut reléguer, comme tous les autres, dans le domaine de l’histoire, et non destiner à l’application.

Une idée neuve peut-être, mais non pas féconde, avait été lancée,

  1. M. Léon Faucher s’est retiré du comité lorsque l’alliance entre l’extrême gauche et la fraction républicaine est devenue irrévocable. Il a partagé cette détermination avec M. Chambolle, rédacteur du Siècle, et M. Ferdinand Barrot. M. Odilon Barrot, qui n’était pas à Paris, avait déclaré catégoriquement, quelques jours auparavant, dans le sein du comité, qu’il ne pouvait pas faire partie d’une réunion où siégeraient aussi M. Garnier-Pagès et ses amis.(N. d. D.)