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parquet. Son rôle ne s’éleva et ne s’agrandit que du moment où lui vint l’heureuse inspiration de placer ses griefs et ses tendances sous la protection des lois. Ce fut alors que la tribune lança des foudres, que la presse politique devint une puissance, et que l’opposition supplanta véritablement le ministère dans le gouvernement des esprits.

La Charte était le cri de l’opposition parlementaire dans ces mémorables séances où Foy et Benjamin Constant fondaient les principes de notre droit public. La Charte était le cri que le peuple opposait aux charges de cavalerie et au coup de collier de la rue Saint-Denis. La Charte était le cri de la jeunesse, et comme le pôle de la philosophie que lui enseignaient les plus éloquens, sinon les plus fervens novateurs. L’opposition se ralliait à la Charte, autant par nécessité que par choix ; l’opposition était et devait être un parti légal, parce que l’on crie : « vive les lois, » jusqu’au milieu de la révolution qui vient les changer.

Au reste, ce qui prouve que la France voulait la monarchie en 1827, c’est qu’elle a été maintenue en 1830 sans opposition, et, à peu de chose près, du consentement de ceux-là même que cette forme de gouvernement satisfaisait le moins.

On l’a dit avec raison, le point sur lequel les diverses nuances de l’opposition s’accordèrent en 1827, le principe qu’elles firent passer avant toute vue de parti, c’est précisément celui que la coalition de 1837 vient de réserver et de mettre en dehors, à savoir : la charte et la monarchie. Mais qu’est-ce donc qu’élire des députés ? N’est-ce pas faire un acte légal et constitutionnel ? Et pour exercer un droit de ce genre, est-il possible, est-il permis de faire abstraction de la constitution ?

En Angleterre, les whigs, qui sont le parti ministériel, ne craignent pas de s’allier aux radicaux, parti de mille nuances, et qui confine à la république par ses extrémités. Mais cette alliance se conclut, de part et d’autre, sur le terrain de la constitution. Les radicaux prêtent serment, portent la santé de la reine, parlent de réformer et non de renverser. Ainsi la coalition est politique à la fois et morale ; entre les alliés il ne peut être question que de la mesure dans laquelle les réformes seront circonscrites ; les uns veulent le plus, et les autres le moins ; mais aucun ne demande à changer ce qui est, et ne consentirait peut-être à marcher au progrès par une révolution.

Soyons de bonne foi ; la question se pose-t-elle ici dans les mêmes termes ? Le parti républicain, qui se transformera, nous le croyons, par la force des choses, en parti purement radical, avait-il déjà opéré