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cipaux fondateurs de l’ordre politique qui est sorti de la révolution de juillet. Ils ont des noms à présent, et le temps leur donnera des doctrines, car ils passent de l’état de protestation à l’état de discussion ; les républicains tendent à se transformer en radicaux.

Quant à l’opposition proprement dite, l’influence qu’exercera sur ses destinées la retraite des puritains, et leur alliance avec le parti radical, n’apparaît pas aussi clairement à tout le monde. Les conséquences éloignées ne peuvent manquer d’être favorables, mais l’effet immédiat sera désastreux.

Ce que l’opposition gagne à se séparer de l’extrême gauche, c’est d’abord cette homogénéité d’opinion qui constitue la force, et qui est l’existence même d’un parti. Quand une fraction parlementaire a plusieurs chefs, elle n’en a aucun ; une opinion qui reconnaît plus d’un symbole, admet dans son sein la confusion des langues ; une religion politique qui s’associe des hommes de doute devient un objet de dérision. Le parti qui pense que l’expérience de la monarchie n’est pas faite, prend donc une attitude plus nette en rompant avec le parti qui estime que cette expérience a déjà tourné irrévocablement à la condamnation de la monarchie. L’opposition cesse de paraître solidaire des répugnances qu’elle ne partage point.

Un résultat plus précieux, à notre avis, c’est que chacun recouvre son indépendance d’action. L’extrême gauche, par son immobilité même, n’empêchait pas seulement le progrès, elle arrêtait aussi le mouvement. Par cela même qu’elle se tenait dans l’observation, refusant d’agir, et blâmant ceux qui agissaient, elle imposait à tout le monde la même inertie. Dégagée de cette pression, la gauche pure sera libre de concourir, selon l’occasion, ou de refuser son concours au gouvernement. Elle ne restera pas éternellement dans la région des impossibilités et des antipathies ; elle ne dira plus du pouvoir, comme le ci-devant jeune homme de son habit : « Si j’y entre, je n’en veux pas. »

Dans les partis, comme dans le corps humain, aucun déchirement ne s’opère sans douleur. La retraite de l’extrême gauche va laisser, pendant quelque temps, un grand vide dans les rangs de l’opposition ; et la défaveur de l’alliance républicaine pourra bien rejaillir, par un reste de solidarité entre les deux fractions qui se séparent, jusque sur ceux-là même qui l’ont repoussée. L’apparition du comité a gravement compromis les candidatures de l’opposition ; car les candidats de la minorité libérale ont été placés dans l’alternative, ou de renier son patronage et de se priver ainsi d’auxiliaires utiles, quoi-