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L’OPPOSITION ET LE PARTI RADICAL.

N’y avait-il rien à faire après un acte qui ne changeait pas seulement la situation respective des partis, mais qui les plaçait dans une attitude toute nouvelle en face de l’opinion ? M. Barrot et M. Laffitte, par respect pour d’anciens engagemens à peine rompus, ne songeaient pas encore à former d’autres liens, et se résignaient à porter dans l’inaction le deuil des premiers. Mais M. Mauguin, qui arrivait de la Grande-Bretagne, où il avait vu les whigs s’allier sans répugnance aux radicaux, ainsi qu’à la clientelle d’O’Connell, plein de foi d’ailleurs dans la puissance de la tactique, ne put supporter que l’opposition gardât le silence dans un moment aussi décisif. Il triompha des scrupules, rapprocha les distances, et finit par former un comité électoral où s’assirent à côté de lui M. Laffitte et M. Garnier-Pagès, triumvirat de chefs sans armée.

Le comité avait pris pour devise la réunion de toutes les nuances de l’opposition ; mais admettre les organes du parti républicain, c’était exclure, par le fait, l’opinion qui se personnifie en M. Odilon Barrot. Que représente maintenant un comité dont M. Barrot et les amis de M. Barrot ne font point partie ? Tout, peut-être, excepté l’opposition. L’opposition comptait cent cinquante voix dans la dernière chambre ; donnez-en dix à M. Garnier-Pagès, vingt ou vingt-cinq à M. Laffitte ; ajoutez-y M. Mauguin, qui ne représente que lui-même, et vous aurez les forces éventuelles de la coalition, une minorité dans la minorité.

Le prétendu comité de l’opposition n’est donc que le comité de l’extrême gauche, où M. Mauguin est allé fourvoyer sa brillante individualité. L’élément républicain y dominera, quoi qu’on fasse, non pas tant parce qu’il est conquérant de sa nature, que parce que l’alliance s’est opérée à son profit. Les hommes illustres et honorables qui se tenaient, depuis assez long-temps, à l’extrême limite de la monarchie et sur la pente de la république, ont enfin, qu’ils le sachent ou qu’ils ne le sachent pas, franchi leur Rubicon. Leur opinion, déjà suspendue entre le présent qu’ils détestaient et l’avenir qu’ils croyaient apercevoir, a tout-à-fait perdu terre ; ils ont cessé d’exister à l’état de parti.

Les républicains, au contraire, ont fait preuve d’une extrême habileté. Rejetés violemment peut-être en dehors de l’ordre légal, ils viennent d’y rentrer par adoption, et d’y mettre garnison des leurs. Privés de chefs notables, et n’ayant plus la liberté d’exposer leurs opinions sans réticence ou sans déguisement, ils ont brigué et obtenu le patronage qu’ils pouvaient le plus souhaiter, celui des prin-