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L’OPPOSITION ET LE PARTI RADICAL.

matériels, qui devient facilement une tyrannie, lorsqu’elle demeure sans contrepoids moral. Mais, à dire vrai, si le gouvernement a pu aggraver le mal, il ne l’a pas créé ; cette torpeur politique tient à des racines plus intimes et plus profondes dans notre état social.

L’opposition s’est donc trompée, lorsqu’elle a dressé et dirigé toutes ses batteries électorales contre le ministère. On pourrait renouveler vingt fois le cabinet, sans que la situation politique fît un seul pas ; car c’est peu pour un peuple de secouer ses entraves, s’il ne sent en lui aucun principe de mouvement. Il y a plus ; on modifierait la loi électorale, on bouleverserait la charte, on mettrait les masses en rut, que cela ne changerait rien à nos embarras actuels. Les questions de forme sont épuisées.

Nous le répétons, l’obstacle est en nous ; il est dans tous les partis, et dans l’opposition comme dans le gouvernement. Le pays voudra et imposera sa volonté, quand il saura ce qu’il doit vouloir. Avant d’agir sur les esprits, de se répandre, et de disputer le pouvoir, chaque opinion a besoin d’un travail intérieur. L’influence de l’exemple est la seule possible aujourd’hui.

Avant donc de faire un appel à l’opinion publique, nous pensons que l’opposition avait à se transformer. Si les élections devaient lui servir à quelque chose, c’était principalement à rendre définitives les dissidences qui avaient éclaté dans son sein, à s’organiser, à se discipliner, à faire choix d’un chef, à élargir et à préciser ses théories. Ne voulant pas renverser, il fallait qu’elle se préparât à gouverner : il était temps que l’opposition prît ses distances, de manière à n’être séparée que par des nuances plus ou moins vives des opinions qui se renfermaient comme elle dans le cercle tracé par la constitution, mais en mettant un abîme entre elle et les partis qui ne reconnaissaient pas l’ordre légal. Le gouvernement se voyait acculé à une impasse par l’absence d’une opposition vraiment constitutionnelle, qui pût recueillir à son heure l’héritage de la majorité ; il fallait l’en faire sortir.

En second lieu, disputer le terrain à la corruption dans les colléges électoraux, c’est s’en prendre à l’effet et négliger la cause du mal. Quoi qu’on dise, les consciences vénales forment par tout pays une faible minorité. Pour l’honneur de la nature humaine, il y a peu de citoyens, même dans le cercle électoral le plus étroit, qui soient assez éhontés pour trafiquer de leur suffrage. Les capitulations d’opinion ne sont si fréquentes que parce que l’indifférence politique est la commune opinion. Un arrondissement qui vote pour un candidat