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résistance du pouvoir. Les partis, à l’heure présente, sont de purs béliers d’attaque ; ils résistent difficilement eux-mêmes, quand on les presse, n’ayant pas de base ni de point d’appui.

Ce qui a trompé l’opposition comme le ministère, c’est que l’une et l’autre ont repris la lutte de trop loin. Des deux côtés, on s’est volontairement replacé dans les positions de 1831 et de 1834, comme si l’on avait affaire aux mêmes passions et aux mêmes périls. On a évoqué les fantômes du treize mars et du compte-rendu, drapeaux de guerre qui ne sont déjà plus qu’une défroque sans valeur. On a donné un tournoi avec les débris des armes qui avaient servi dans le combat.

Non, nous ne sommes plus les hommes de 1831 et de 1834. Grâce à Dieu, l’opinion publique a marché, modifiant les doctrines, les hommes et les journaux. Nous avons obéi, peut-être malgré nous, à cette loi de décomposition qui veut qu’un progrès accompli serve de marchepied à un autre progrès. Il ne suffit plus aujourd’hui de se dire homme de révolution et de réclamer les conséquences de juillet. Le point de vue théorique s’est élargi, pendant que l’on faisait trève à l’action. Nous savons maintenant que toute doctrine qui aspire à pénétrer dans la pratique, doit résoudre le problème du pouvoir aussi bien que celui de la liberté, et qu’avant de se proposer pour le gouvernement de l’état, les partis ont à subir un travail intérieur d’étude et d’organisation.

D’où vient l’ascendant incontestable de l’école doctrinaire, sous la restauration d’abord, et plus tard sous la nouvelle monarchie ? Faut-il l’attribuer uniquement à l’habileté des meneurs et à la corruption des esprits ? ou bien, ne serait-ce pas plutôt que, de tous les partis qui avaient conjuré ensemble la ruine des Bourbons de la branche aînée, celui-ci se trouva seul, quand il fut nécessaire, fortement organisé et prêt à gouverner ?

Lorsque tout le monde ne songeait encore en France qu’à arracher au gouvernement des garanties pour les droits du peuple, M. Guizot et ses amis avaient déjà résolu à leur manière la question du pouvoir. Cette solution ne procédait pas d’une idée bien nette ni bien avancée ; l’éclectisme politique, sans ouvrir une perspective étendue à la société, ne décourageait pas assez les pensées de retour vers un ordre de choses à jamais détruit ; mais, à défaut d’autres, le système a été et devait être accepté. Que ce soit là une leçon pour les opinions que l’on a vues jusqu’ici plus occupées de tenir tête au pouvoir que de rechercher ce qu’elles en feraient à leur jour. Une opposition purement négative n’est pas appelée à exercer une influence