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de guerre. Ces hommes qui subissaient, après la mort, la proscription qui les avait frappés pendant leur vie, étaient jetés dans une fosse. On amassait quelques pierres sur leur cadavre, et tout était dit. »

On a trouvé, dans ces tombeaux, des squelettes, des urnes cinéraires, des ossemens d’animaux, des armes en pierre ou en bronze, et quelques bijoux en or. Tous remontent à un temps très reculé, et ceux où l’on n’a trouvé que des instrumens en pierre, datent sans doute d’une époque antérieure même à l’invasion des Goths, car les Goths connaissaient l’usage du fer.

En fouillant dans ces collines tumulaires, dans ces cercueils de roc, en recueillant les ossemens et les crânes qui s’y trouvent, la science anatomique parviendrait peut-être à jeter quelques rayons de lumière sur une question que ni les historiens ni les philologues n’ont encore éclaircie. Peut-être qu’en examinant le type de toutes ces têtes conservées dans les tombeaux, on pourrait déterminer à quelle race elles appartiennent. Peut-être pourrait-on savoir par là quelles étaient les premières tribus du Nord, quels étaient ces Jettes, ces Troldes, ces Alfes, dont parlent confusément les sagas, et si ce pays n’a été occupé avant la migration d’Asie que par une seule race, ou par plusieurs. Un professeur de Copenhague, M. Eschricht a publié dernièrement, sur ce sujet, une intéressante dissertation. Il a fait un examen attentif de deux crânes trouvés en Danemark. Le premier porte tous les traits caractéristiques de la race caucasienne ; le second est remarquable par sa grosseur, et semble avoir appartenu à un corps de géant.

Cette dissertation de M. Eschricht n’est en quelque sorte qu’une indication de travail. Avant de hasarder une hypothèse sur une question aussi difficile, il faudrait faire de longues études, de grandes recherches. Les savans du Nord sont assez hardis pour les entreprendre.

Les sagas islandaises présentent une source d’observations plus vaste et plus féconde. Les unes remontent par la tradition à une époque très éloignée ; les autres ont été faites en présence des hommes dont elles racontent la vie et des évènemens qu’elles dépeignent. Les Islandais étaient, comme les Arabes, d’intrépides aventuriers et d’infatigables conteurs. L’été ils partaient pour les côtes étrangères ; l’hiver, ils revenaient dans leur demeure, ou s’arrêtaient dans la maison des jarl. Là, ils racontaient leurs navigations lointaines, leurs guerres de pirates, leurs combats. Ils décrivaient les lieux où ils s’étaient arrêtés, et les héros qu’ils avaient vus. Toute l’histoire du Nord a été faite ainsi par ces coureurs d’aventures, qui avec leurs frêles bateaux s’en allaient aborder un jour à Leire et un autre jour à Drontheim. Les contes du pirate ont passé de bouche en bouche. Ils ont été répétés au foyer de famille, aux séances de l’Althing. Puis l’écrivain est venu, qui les a recueillis d’après la tradition vivante et les a transcrits. C’est donc là que les historiens de Danemark doivent puiser leurs premiers documens ; c’est là le miroir où se reflète l’époque païenne ; c’est le panthéon où chaque homme célèbre a sa statue, et chaque évènement son inscription. L’Islande