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une promotion considérable. On se plaint, il est vrai, de ce qu’avec ce mode de recrutement, la chambre des pairs se peuple de vieilles expériences beaucoup plus que de jeunes talens ; mais c’est un inconvénient qu’il ne faut pas s’exagérer, et après tout, si c’est là le côté faible de l’institution actuelle, c’est aussi en grande partie le but qu’on a voulu atteindre. Il y a, nous le savons, des imaginations fertiles qui ont trouvé à cela un remède et qui en ont généreusement fait part au pouvoir. Ce remède, le voici. Ce serait tout simplement de transporter dans la chambre des pairs toutes les supériorités politiques, oratoires, intellectuelles, qui se sont développées dans l’autre chambre. Ainsi on nommerait pairs de France d’un même coup M. Dupin l’aîné, M. Odilon Barrot, M. Berryer, M. Thiers, et on laisserait la tribune de la chambre élective à MM. Gauguier, Fulchiron, Auguis et autres orateurs de cette force. Les auteurs de cette belle invention n’ont oublié qu’une chose : c’est que s’il n’y a pas de loi qui défende de solliciter la pairie, ce que les ministres savent trop bien, il n’y en a pas non plus qui ordonne de l’accepter et qui autorise à l’imposer. Mais, dit-on, ce serait pourtant l’infaillible moyen de faire passer du côté de la chambre des pairs tout l’intérêt, toute la puissance que l’autre chambre attire trop à elle, et d’établir le gouvernement de discussion dans une sphère plus élevée, dans une région moins orageuse et plus sereine. À merveille ! mais il faudrait pour cela toute une révolution politique et sociale que la restauration, qui ne demandait pas mieux, n’a pu accomplir dans des conditions mille fois plus favorables, et avec un ensemble de lois, de traditions et de noms bien autrement organisé pour le succès de cette entreprise. Laissons là ces rêveries, et occupons-nous de ce qui occupe tout le monde, le gouvernement, la nation, les partis, de la composition de la prochaine chambre des députés.

On assure que l’administration, d’après la correspondance de ses préfets, ne porte pas à plus de soixante-dix ou quatre-vingts le nombre des nouveaux élus qui doivent y figurer. C’est assez pour donner à la chambre des députés une physionomie nouvelle, et y changer tous les rapports, toutes les combinaisons antérieures des partis. Jamais, d’ailleurs, ces partis eux-mêmes ne nous ont paru aussi complètement dissous qu’ils le sont aujourd’hui, à la veille des élections générales. Le pêle-mêle des opinions qui se disputent la confiance des électeurs ne peut guère être poussé plus loin, et si, dans un certain monde, on cherche encore quelquefois à les diviser et subdiviser en nuances presque insaisissables, c’est un travers dans lequel ne donnent point la plupart des candidats, plus soigneux de confondre que de séparer les origines et les tendances. Nous avons déjà parlé de plusieurs conversions merveilleuses déterminées par l’approche des élections. Depuis, on nous en a signalé bien d’autres. Il y a plus d’un membre de l’ancienne opposition qui sollicite maintenant l’appui du ministère, se présente sous ses couleurs, et promet pour la session prochaine un rapprochement ostensible. Cela se comprend, et il est permis de s’en réjouir. Nous vivons dans un pays où l’on a besoin du pouvoir, et où l’on se fatigue très vite, à moins de grandes passions et de motifs bien sérieux, de lui tenir tête, quand, d’ailleurs, il est indulgent et débonnaire, quand il ne demande, lui aussi, qu’à oublier, et quand une prospérité générale a désarmé bien des préventions. Or, voilà où la France en est, et il est tout simple que, dans une pareille situation, le gouvernement tende les mains à droite et à gauche, pour