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DU PHILOPŒMEN.

la chevalerie du moyen-âge. Je regrette que M. David n’ait pas tenu compte de cette donnée ; car il pouvait, en la respectant, conserver toute l’énergie du personnage. Sans sacrifier la chair à l’airain, sans cacher l’homme sous la cuirasse, il pouvait couvrir une partie de la poitrine, et traiter le casque de Philopœmen avec moins de simplicité. Il avait dans le casque d’Ajax un bel exemple à suivre ; il pouvait semer sur l’airain les quadriges haletans. Le bouclier surtout appelait la magnificence ; car Philopœmen, qui lisait tantôt la tactique d’Evangelus, tantôt les poèmes d’Homère, portait dans le gouvernement de son armée le même goût que dans ses lectures. Non-seulement il surveillait, il multipliait, il variait les manœuvres de ses escadrons avec cette sagacité que Polybe et Folard ont admirée ; mais il s’occupait d’élargir et d’enrichir les boucliers de ses soldats, et ses lieutenans s’abritaient derrière un chant de l’Iliade. Je crois sincèrement que le Philopœmen de M. David, couvert d’une riche armure, n’eût rien perdu de sa grandeur ni de son idéalité ; car les armures grecques étaient loin d’avoir le même poids et d’offrir la même sécurité que les armures du moyen-âge ; elles ornaient plutôt qu’elles ne couvraient le corps ; elles rehaussaient la beauté, et laissaient aux parties nues toute leur valeur sculpturale. Il eût été bien facile à M. David d’éviter ces légers reproches, et de faire entrer dans son œuvre les élémens que l’histoire lui indiquait ; il est évident qu’il a négligé l’armure pour la chair, le général de l’armée achéenne pour l’homme pris en lui-même, l’archéologie pour la sculpture.

L’étude successive des différentes parties du Philopœmen est pleine d’intérêt et diminue les regrets que nous inspire l’omission de plusieurs détails historiques. La tête, le torse et les membres sont traités avec tant de soin, et je puis dire avec tant d’amour, que la préférence accordée par M. David à l’homme pris en lui-même semble justifiée. Quant à nous, sans méconnaître les droits de l’histoire dans un sujet historique, nous placerons toujours la vérité humaine au-dessus de la réalité locale et passagère, et c’est au nom de la vérité humaine que le Philopœmen de M. David nous paraît digne de la plus haute estime. Le style de la tête s’accorde très bien avec la nature des sentimens que le statuaire a voulu exprimer ; les plis du front et le regard inspiré peignent fidèlement les émotions diverses du général achéen. Le type du visage s’éloigne heureusement des types consacrés dans l’école ; rien de systématique dans la division des plans, nulle symétrie officielle dans l’ordonnance des lignes, mais de l’ani-