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n’a manqué à aucune des conditions impérieuses du sujet, il a respecté fidèlement le caractère du personnage, et le sens de l’action qu’il avait à retracer. Au premier aspect, j’en conviens, son Philopœmen ne semble pas exempt d’une certaine emphase ; mais si l’étude n’efface pas cette impression, elle ne tarde pas à l’expliquer et à la justifier. L’action de Philopœmen n’a pu s’accomplir que sous l’empire d’une vive exaltation ; en arrachant le javelot qui venait de lui traverser la cuisse, il a dû exprimer, dans son attitude, dans les traits de son visage, l’emphase que M. David lui attribue. J’excuse pareillement l’arme placée dans la main gauche de Philopœmen. Il ne faut pas oublier, en effet, que le chef de la cavalerie achéenne brûle de retourner au combat, à l’ennemi qui est devant lui, et malgré sa blessure, il ne peut quitter le fer dont il va se servir. Toutefois l’emphase de cette figure serait moins sensible et ne choquerait personne si l’auteur se fût abstenu de supprimer l’armure de Philopœmen. Je sais que le nu, la chair proprement dite, est le triomphe de la statuaire ; je sais que les sculpteurs de l’antiquité étaient habitués à représenter les héros, comme les dieux, complètement nus, ou les enveloppaient tout au plus d’une draperie légère pour donner aux lignes de la figure plus de grâce ou de majesté ; mais la pratique des sculpteurs grecs et l’importance du nu dans la statuaire, sont loin de justifier le parti adopté par M. David. Car la plupart des statues antiques représentent des personnages immobiles, le type idéal d’un héros plutôt qu’un homme engagé dans une action déterminée. Si donc M. David eût été chargé de restituer pour un musée la statue de Philopœmen, placée, lui vivant, dans le temple de Delphes, je concevrais très bien l’absence de l’armure ; mais il a voulu nous montrer Philopœmen à la bataille de Sellasie ; et ce moment est tellement déterminé, tellement précis, que nous désirons naturellement retrouver dans la réalité du personnage la réalité de l’action. Nous concevons difficilement le casque sans la cuirasse, et le baudrier suspendu à l’épaule nue du héros étonne les yeux les plus complaisans. L’absence de l’armure est d’autant plus singulière que Philopœmen aimait la magnificence militaire presque autant qu’un guerrier ottoman. Il avait décidé la jeunesse opulente de Mégalopolis à briser toutes ses coupes ciselées, à déchirer la pourpre de ses manteaux et à dépenser le plus clair de ses revenus en casques et en cuirasses. Les jeunes femmes, par son conseil, s’empressaient à orner de broderies les armures destinées à la défense du pays. Philopœmen avait cherché à exciter parmi ses soldats une émulation qui n’est pas sans analogie avec