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assez de plaisir à converser ensemble pour que la nuit les surprît en ce lieu. Avant d’en sortir, le chevalier, tournant les yeux vers la lucarne par laquelle arrivait encore un peu de jour : — Je m’étonne, dit-il, qu’on n’ait pas songé à faire observer de là-haut ce qui peut se passer ici. Il est vrai que dans quelques minutes il y fera noir comme dans un four.

— Il y fera clair, repartit Anselme avec une vivacité qui fit sourire son compagnon ; il y fera clair, j’en réponds. Avant-hier j’ai pu voir la lune à travers le soupirail, une grande partie de la nuit ; elle avait à peine disparu quand la pierre se souleva, et aujourd’hui elle se couche une heure et demie plus tard. N’en doutez pas… nous verrons tout ce que nous voulons voir.

Cela dit, et sans attendre de réponse, le moine entraîne son nouvel ami et le conduit, à travers maints détours, jusqu’à l’ouverture extérieure de la lucarne. Deux tonneaux sont dressés contre la muraille, et, au moyen de quelques planches placées en travers, on a bientôt construit une sorte d’échafaudage d’où l’on peut observer commodément tout ce qui se passe dans l’intérieur. Wolfskruyt s’y poste aussitôt, et Anselme, après avoir obtenu l’agrément de l’abbé, vient bientôt lui tenir compagnie.

Les heures se passent ; la lune est arrivée à ce point de sa course où elle éclaire le mieux le fond du caveau, et rien n’a encore paru. Enfin un léger bruissement se fait entendre, et Anselme voit, comme la première fois, la large dalle se soulever lentement ; son compagnon la voit comme lui, et tous les deux, après avoir échangé un regard, se rangent de côté pour laisser libre accès aux rayons qui pénètrent par le soupirail. Un animal au corps allongé, ondoyant, sort par l’ouverture qui vient de se former ; il se dresse sur sa queue, saisit une des pièces de viande suspendues au plancher et la porte vers son repaire ; il répète plusieurs fois le même manège, et ce n’est qu’après avoir dégarni entièrement le crochet qu’il rentre dans son trou, dont l’ouverture, restée jusque-là béante, se referme bientôt sur lui.

— Çà ! que faisons-nous ici ? dit Wolfskruyt après quelques instans ; voilà le rideau tombé ; la première journée du mystère est jouée. Demain, je l’espère, nous aurons la seconde, et comme j’aurai à y jouer un rôle, il sera bien que j’aille réparer mes forces.

— Quoi ! s’écria Anselme tout alarmé, vous oseriez aller attaquer ce monstre ?

— J’oserais, dites-vous ? Il paraît, frère, que je ne suis pas si bien