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LA NUIT D’OCTOBRE.

Et, quand je pense à toi, croire que j’ai rêvé !

LA MUSE.

Apaise-toi, je t’en conjure ;
Tes paroles m’ont fait frémir ;
Ô mon bien-aimé, ta blessure
Est encor prête à se rouvrir.
Hélas ! elle est donc bien profonde !
Et les misères de ce monde
Sont si lentes à s’effacer !
Oublie, enfant, et de ton ame
Chasse le nom de cette femme
Que je ne veux pas prononcer.

LE POÈTE.

Honte à toi, qui la première
M’as appris la trahison,
Et d’horreur et de colère
M’as fait perdre la raison !
Honte à toi, femme à l’œil sombre,
Dont les funestes amours
Ont enseveli dans l’ombre
Mon printemps et mes beaux jours !
C’est ta voix, c’est ton sourire,
C’est ton regard corrupteur,
Qui m’ont appris à maudire
Jusqu’au semblant du bonheur ;
C’est ta jeunesse et tes charmes
Qui m’ont fait désespérer,
Et si je doute des larmes,
C’est que je t’ai vu pleurer.
Honte à toi ! j’étais encore
Aussi simple qu’un enfant ;
Comme une fleur à l’aurore,
Mon cœur s’ouvrait en t’aimant ;
Certes, ce cœur sans défense
Put sans peine être abusé ;
Mais lui laisser l’innocence